« Le Fidèle » de Mickaël R Roskam avec Matthias Schoenaerts, Adèle Exarchopoulos, Kerem Can, Jean Benoît Ugueux… Sortie Cinéma le 1er Novembre 2017
Scène d’ouverture de nuit un jeune garçon Gino s’extirpe d’une maison en passant des grillages en s’égratignant la peau , un père gros et gueulard dit « Je vais lâcher les chiens » (apparemment méchants et aux aboiements agressifs), des flics aux alentours… Puis on passe à une course automobile à Yokoama . Mickaël R Roskam vient de poser les bases de son film , quand deux univers diamétralement opposés et deux être si différents vont se rencontrer et vivre une passion amoureuse presque indestructible . Gino dit Gigi est un truand , habile en tchach et braquage organisé . Benédicte dit Bibi (Adèle Exarchopoulos) est une fille de bonne famille et une pilote de course . Forcément , pour séduire sa belle , Gino (Matthias Schoenaerts) va devoir gruger, dissimuler sa vraie activité en la maquillant en business « import /export » de voitures. Mais la jeune héroïne va peu à peu succomber au charme désarmant de ce « voyou sincère » , lui même chamboulé par cet amour brûlant . La rédemption est elle possible ? Le destin sera t-il clément ?
Ce qui frappe le plus dans le film c’est l’esthétisme visuel , proche des meilleurs productions américaines . Michaël R Roskam ne s’en cache pas , réalisateur belge c’est bien le Cinéma US d’action et le cinéma français qui sont les deux influences duales du film. La réalisation est nerveuse (les différents plans axés sur les voitures et la vitesse) . Si « Le Fidèle » a effectivement une double dimension , le travail sur les couleurs est vraiment éclatant . le réalisateur a demandé au chef opérateur de magnifier les couleurs vives pour Bénédicte en course par exemple. Quand il la filme avec sa combinaison dans les paddocks , elle illumine l’écran comme aussi un soleil dans la vie « nocturne et noire » de Gino.
Les scènes d’action sont vraiment très réussies et on peut dire que les deux scènes de braquage s’élèvent au niveau d’un Michaël Mann appuyées par une musique saccadée , anxiogène et tendue. On avait pas vu une telle maîtrise à l’écran lors de scènes de hold-up depuis « Heat ». Les masques cagoules et les voix trafiquées façon « Humungus » (Mad Max Road warrior) , la mise en scène spectaculaire du braquage via un semi remorque sont de vrais parti-pris scénaristiques percutants et retranscris avec une force visuellement bluffante et jouissive. Le directeur de la photographie Nicolas Karakatsanis a fait un gros travail sur l’ambiance nocturne, les jeux d’ombres autour des visages et des lieux accentuant le côté sombre du film.
Côté scénario Thomas Bideguain (« Le Prophète »/ « De rouille et d’os » /Dheepan et réalisateur de « Les Cowboys ») & Noé Debré ( « La résistance de l’air » / « Les Cowboys » / Dheepan / « La crème de la crème ») collaborent avec Mickaël R Roskam à l’écriture. Ils apportent aussi , surtout Bideguain, une noirceur propre au cinéma d’Audiard. Roskam introduit aussi des dialogues en flamand , pour bien ancrer cette histoire en Belgique .
Quand le grand banditisme rencontre l’Amour . Tel pourrait être le sous titre de « Le Fidèle ». Le film est un polar mais jumelé avec un mélo-drame, une histoire d’amour passionnelle, contrariée et jusqu’au-boutiste.
Il fallait deux interprètes plein de fougue et de présence à l’écran pour servir cet écrin . Matthias Schondaerts excelle en chien fou assagi par l’Amour , en tête brûlée sensible et violent. Son charme animal fait mouche . Cela rappelle d’autres prestations bestiales et physiques (« De rouille et d’os » ou « Bullhead » ) mais ici matinée de charme . Adèle Exarchopoulos (découverte dans « La vie d’Adèle ») campe avec un mélange de juvénilité et d’autorité une femme amoureuse et vaillante . D’ailleurs sa photogénie transpire lors des scènes de courses automobiles où visuellement elle semble sortie d’une BD à la Michel Vaillant version féminine en combinaison de course , lunettes noires et coupe au carré . Son personnage raisonnable subit puis va essayer de canaliser la fougue de son amoureux jusqu’à « embrasser » les us et coutumes du milieu pour le sauver.
L’aspect mélo ne prend pas le dessus sur un épilogue violent et inéluctable. L’ADN du film est la noirceur , malgré quelques moments d’embellie et c’est aussi ce choix final qui permet au film de garder sa cohérence, son identité et son impact teintés de désespérance. « Le Fidèle » a des parfums des films à l’ancienne matinée d’une efficacité redoutable , une sorte de « Melville moderne » sous influences US.
La Belgique a envoyé « Le Fidèle » à la pré-sélection pour « la course finale » aux Oscars 2018 catégorie Meilleur film étranger .