« Titane » de Julia Ducournau avec Agathe Rousselle , Vincent Lindon , Garance Marillier … Sortie Cinéma le 14 juillet 2021
Une serial killeuse go-go danseuse & amoureuse des voitures trucide ses victimes avec une aiguille à tricoter . Pour retrouver une nouvelle identité elle va se faire passer pour un homme , fils disparu & accueilli à bras ouvert sans retenue par un père pompier ! Voilà donc le pitch du dernier film de Julia Ducournau (« Grave » ) couronné au dernier festival de Cannes par LA Palme d’Or !!!!
Autant le dire tout de suite la cohérence et la structure du scénario semblent avoir été le dernier des derniers « soucis » de la cinéaste . Elle s’est concentrée sur la grammaire visuelle à savoir , le plan séquence , la photographie bleutée et un peu glauque , les mouvements de caméra ,les profondeurs de champs, en un mot comme en 100 … la forme ! On sait depuis « Grave » qu’elle est une vraie cinéaste . Il y a aussi un gros travail sur le son. Et le fonds me direz-vous ? Beaucoup ont trouvé des choses ou des intentions qui sont un peu fantasmées . On a parlé de « film transgenre » , rien à voir , la protagoniste principale se met du sparadrap sur les seins (qu’elle mutile au passage) , se coupe les cheveux et s’habille comme un mec , c’est du travestissement . Pas plus pas moins . Le film a été « vendu » comme choquant voir « insoutenable » par certains . Ceux et celles qui ont eu ce sentiment ne doivent pas avoir une grande culture Cinéma en dehors des sentiers battus conventionnels . Les références dans « Titane » sont clairement identifiables , on pense à Nicolas Winding Refn (le blouson d’Alexia au salon de l’Auto renvoie par exemple à celui de Ryan Gosling dans « Drive » par exemple) , Gaspard Noé , David Lynch peut être , d’autres de manière trop rapide ont parlé de John Carpenter.
Julia Ducournau n’a jamais caché son attirance et sa dévotion au Cinéma du canadien torturé puis assagi , David Cronenberg . Le Cinéma de Genre épouvante et d’ angoisse lui doivent beaucoup surtout dans sa première partie de carrière . Mais le problème c’est qu’au fil du temps Cronenberg a su se détacher du genre et mieux construire ses scénarios . Bien sûr des films devenus cultes comme « Vidéodrome » était basé sur le sensitif voir le corporel , en « bon obsédé de la peau » ! Mais c’est là que « Titane » montre ses faiblesses et ses limites . Ducournau semble être en roue libre totale , laissant ses obsessions s’empiler et ayant la volonté de bien montrer qu’elle sait tenir un caméra ou découpé « virtuosement » un long plan séquence. La colonne vertébrale du film est « scoliosée » , ça part dans différentes directions sans jamais véritablement nous accrocher par un fil rouge et le parcours de cette paumée à tendance destructrice et déséquilibrée. L’ensemble est alambiqué au sens confus du terme et le style est pompier (le père joué par Lindon l’est aussi) , les ruptures visuelles sont un poil « too much » (Le bal des pompiers torses nus ressemblent plus à un backroom de discothèque gay où les soldats du feu désinhibés seraient des « objets sexuels » ) . Parfois ce n’est pas très beau visuellement et le grotesque n’est pas bien loin (la scène de la voiture et la conséquence organique , le « sang-huile » et le fait d’être enceinte).
Les personnages sont clairement écrits à la truelle . Agathe Rousselle hérite donc du rôle titre avec cette Alexia « allumée » au look androgyne, désincarnée, auto destructive, crue, « désenchantée » (comme l’aurait dit Mylène Farmer , membre influente du jury) qui déambule du début à la fin comme une marionnette sans vrai « moteur » et direction. C’est sûr qu’avec toutes les déviances de son personnage , l’empathie ne peut vraiment s’installer . Ducournau veut maltraiter ,déstabiliser le spectateur . Vincent Lindon dit s’être abandonné aux désidératas de sa metteuse en scène . Il y joue un pompier haut gradé qui abuse des stéroïdes , en désespérance de retrouver son fils , Adrien , disparu et trop content de croire à l’improbable.
Le plus gênant dans « Titane » , ce n’est même pas la proposition un peu foutrac de Ducournau, flirtant avec l’horreur , c’est ce sentiment qui perdure tout le long du film , d’esbrouffe , de volonté de monter « techniquement » sans vraie cohérence scénaristique , d’éparpillement constant , sans être au final subversif , à mes yeux ! D’autres parleront peut être du caractère « prétentieux » du film. Le problème c’est que si certain(e)s vont adorer partir dans un trip glauque, néo-punk, immersif, malaisant et bleuté , beaucoup vont être très vite sur le bord de la route et le film sera interminable . Vous l’avez compris je me situe dans la deuxième catégorie. Je crois que si le film était diffusé sur une plateforme de VOD , je ne l’aurai pas fini .
« Titane » a donc reçu la Palme d’Or en 2021 au dernier Festival de Cannes . Spike Lee président du jury avait l’air perdu lors de la remise des prix , sûrement encore sous le choc du « lobbying français » subi lors des délibérations finales des membres du jury . Ducournau a déclaré « Je suis fière de moi » à la conférence de presse d’après remise de récompense. Elle a du talent c’est un fait . J’avais vraiment aimé « Grave » son premier film au sujet perturbant (article dispo sur le site dans la rubrique avis Cinefeel ). Espérons que d’une part elle ne prenne pas la Palme comme un blanc seing pour « rééditer » des choix identiques à ceux pris sur « Titane » et qu’elle ait la lucidité de retrouver un arc narratif plus construit sans perdre sa créativité mais en la canalisant au minima sans parler de finesse dans le traitement.