Joaquin Phoenix : L’anti-star , l’introverti fiévreux !

05/10/2017 16:45

Joaquin Phoenix : L’anti-star , l’ introverti fiévreux ! 

Né le 28 octobre 1974 , Joaquin Phoenix s’est d’abord « rebaptisé » en tant qu’acteur Leaf çàd « feuille ». Car ses frères et sœur avaient tous un prénom en rapport avec la nature : Rain , Liberty, Summer et bien sûr son frère aîné River (1970-1993) décédé d’une overdose en plein ascension à Hollywood au Viper Room de Johnny Depp . Cette première volonté de se fondre dans sa famille tout en se démarquant pose la personnalité un poil torturée et singulière de Joaquin Phoenix. Il fait ses armes , gamin , dans les séries TV et en 1989 il fait partie du cast de « Parenthood » de Ron Howard  .

Le vrai point de départ de sa carrière sera « Prête à tout » (1995) de Gus Van Sant , réalisateur qui fit tourner son frère en 1991 dans « My own private Idaho » ! Il y joue un ado, en quête de reconnaissance, instrumentalisé & manipulé par une belle femme à l’esprit avide de notoriété. Il succombe aux charmes de l’arriviste calculatrice Nicole Kidman , prête à tout pour arriver à ses fins ! Son personnage , pas très glamour et pas très sûr de lui , montre déjà son positionnement d’introverti fiévreux !

En 1996 il enchaîne en good guy , un peu plus aguerri dans une chronique amoureuse réussie mais passée inaperçue « Les Années Rebelle » de l’irlanndais Pat O’Connor dont le titre original est « Inventing the Abbotts » . Il est entouré de deux jeunes et très belles actrices Jennifer Connelly et Liv Tyler ! Billy Cudrup y joue son frère . Le film vaut le coup, lutte des classes, fille dévergondée, amourette et conflit fraternel .

Une belle chronique qui doit beaucoup à la beauté des images et de ses jeunes interprètes . C’est un rôle « clean » et non torturé à priori pour Joachim Phoenix . Le film mérite d’être  redécouvert. A titre privé Liv Tyler partagea sa vie durant 3 ans.

 

 

Joaquin Phoenix se fond dans la masse des personnages barrés dans l’azimuté « U-Turn » (1997) d’Oliver Stone en incarnant un personnage too much TNT face à Sean Penn et une kyrielle de guests .Le film ne remportera pas un franc succès au Box Office.

 

L’acteur s’extravertit et élargit son jeu face à des acteurs confirmés . Il enchaîne avec le nauséabond et un peu racoleur « Eight millimeters » (1999) de Joel Schumacher aux côtés de Nicolas Cage sur une sombre histoire de snuff movie. Il y campe un vendeur dans un sex shop et renoue avec un rôle underground . Mais c’est bien l’année 2000 qui va lui permettre de changer de catégorie et d’éclater dans un succès mondial . « Gladiator » était une super production où Joaquin Phoenix campait l’empereur tourmenté, Commode , fils patricide de Marc Auréle et amoureux de sa sœur. C’est Russell Crowe qui dut rassurer Phoenix sur le tournage du film de Ridley Scott . Car l’acteur était un peu fébrile de tenir un des premiers rôles d’une si grosse production. Son côté « introverti-fiévreux » fit merveille avec ce rôle « taillé sur mesure  » . Une nomination à l’oscar du meilleur second rôle vint couronner sa performance de manipulateur désaxé et lâche.

2000 sera l’année aussi de sa première collaboration avec l’excellent mais peu reconnu aux Etats Unis James Gray avec « The Yards » . Phoenix incarne un mauvais garçon « costard-cravate » employé par son oncle , magnat du business ferroviaire à New York , impliqué dans un meurtre et voulant faire porter le chapeau à son cousin sortant de prison (Mark Wahlberg). Gray signe une œuvre forte épurée , une sorte d’opéra familial fortement influencé par le Cinéma de Coppola (emploi de James Caan en chef d’entreprise peu regardant avec les pots de vin ). La même année il incarnera un abbé réprobateur des œuvres de Sade dans « Quills » de Philip Kaufman.

SIGNS, Mel Gibson, Joaquin Phoenix, Rory Culkin, Abigail Breslin, 2002, (c) Walt Disney

L’acteur délaisse les rôles tourmentés et participe au succès mondial de « Signs » (2002) de M Night Shyamalan en frère de Mel Gibson , bouseux confrontés à l’arrivée imminente des extra-terrestres . Le film , à mes yeux , est sur estimé mais remporte les honneurs du Box Office.

Il retrouvera le réalisateur de « Sixième Sens » avec l’austère et supposé « fantastique » « The village » en 2004 . Retour à un rôle plus introverti dans une production visant le grand public mais à la facture plus aride . Il est entouré de Bryce Dallas Howard et Adrien Brody .

Pas de star confirmée à ses côtés .

Il aura tourner avant avec Thomas Vinterberg , réalisateur de « Festen » dans « It’s all about love » (2003)  aux côtés de Claire Danes et Sean Penn . Le film est passé inaperçu.Il enchaînera avec un rôle périphérique dans « Hotel Rwanda » avec Don Cheadle et sera pompier dans « Ladder 49 » / « Piège de feu » (2004) avec John Travolta.

C’est l’année suivante en 2005 qu’il donnera une interprétation fiévreuse, habitée et réussie du chanteur Johnny Cash dans « Walk the Line » . Il est vraiment excellent et ce biopic de cette icone country US au parcours tortueux lui permet d’être  nommé aux oscars catégorie Meilleur rôle .C’est finalement sa partenaire Reese Witherspoon qui joue sa femme dans le film qui emportera la statuette .

En 2007 il retrouve « son » réalisateur James Gray pour le très bon « We Own the night » snobé au festival de Cannes et aux Oscars . Tenancier de boîte de nuit pour des russes , fils et frère de policier il va devoir rallier sa famille pour faire face à la mafia . Il livre une performance juste, fiévreuse, organique et tendue . « La Nuit nous appartient » (titre français) est un petit bijou de mise en scène et d’interprétation chorale . Des scènes resteront longtemps dans nos mémoires (scène d’ouverture d’Eva Mendes sur le divan, la descente des escaliers  de la boite de nuit de Phoenix sur « Heart of Glass » de Blondie, la course-poursuite sous la pluie, la scène du labo clandestin, les hautes herbes … ) .Le film restera comme un incontournable du genre « policier familial ». A rattraper de toute urgence pour les retardataires !

 

James Gray va lui offrir l’année suivante un autre beau rôle, celui d’un fils à marier dépressif issu d’une famille juive  en 2008 avec « Two Lovers » . Il va tomber amoureux de sa voisine (Gwyneth Paltrow) , blonde inaccessible en éconduisant la fille désirée par ses parents (Vinessa Shaw). C’est un beau portrait et une chronique amoureuse au cordeau . « Two Lovers » est un grand film de James Gray aux accents européens, se bonifie au fil des visionnages et donne encore un rôle attachant et habité  à Joaquin Phoenix.

Son rôle dans « Two Lovers  » explore encore la facette fragile de sa personnalité, son côté « sur le fil » et sa sensibilité à fleur de peau .

Et c’est cet aspect un peu tourmenté qui va faire déraper l’acteur avec une véritable mauvaise idée , incompréhensible pour un acteur en plein ascension. En 2011 sortira « I’m still here »  un « vrai-faux  » documentaire sur la volonté de Phoenix d’arrêter définitivement sa carrière d’acteur , voulant faussement devenir rappeur . Il modifia son apparence avec une barbe christique et quelques kilos supplémentaires . C’est avec la complicité de son ami Casey Affleck qu’il commit ce qui faillit sonner réellement le glas de sa carrière et montra le côté tourmenté et auto-destructeur de son caractère !

Comme pour rattraper le temps perdu , l’acteur va enchaîner les rôles majeurs avec des réalisateurs de talent . En 2013 il s’abandonne corps et peut être âme dans « The Master » de Paul Thomas Anderson où il est victime d’un gourou et tombe sous l’emprise d’une secte . Son visage déformé,son abandon physique et psychologique ,en torturé consentant  glace d’effroi le spectateur ! Sa performance lui vaudra une nouvelle nomination à l’Oscar mais certains rôles abîment en laissant des traces éparses, dormantes  et indélébiles . Ce rôle  de Freddie Quell , vétéran de la Marine ,alcoolique et envouté par « le Maître » en est un !

Son degré d’implication frise l’abandon total , telle une créature de glaise dans les mains du réalisateur pygmalion « acclamé » Paul Thomas Anderson .

La même année  Phoenix retrouve James Gray pour la quatrième fois avec « The Immigrant » (2013). Le film raconte l’histoire d’une immigrante polonaise (Marion Cotillard) arrivant à Ellis Island en 1920 . Elle va tomber sous le joug d’un souteneur (Phoenix) un peu violent secrètement amoureux d’elle. L’influence de Coppola se fait encore sentir même si James Gray  y montre sa sensibilité européenne . Le rythme est assez lent et le cinéaste a écrit le rôle spécialement pour Marion Cotillard.

Le film est inégal et beau avec des plans très picturaux . Toujours boudé au palmarès par Cannes , James Gray présenta encore « The Immigrant » lors du festival où il reçut un accueil frileux et compassé . Le film mettra un an à sortir aux Etats Unis , lâché par les frères Weinstein , ne sachant pas comment le vendre sur le marché US et n’ayant reçu aucun prix prestigieux ou accessits dans les festivals !

Cette dernière collaboration entre Joachim Phoenix et James Gray est peut être la moins marquante et réussie . Le rôle joué par Phoenix aurait mérité une écriture plus fouillée. 

En 2014 il incarne un écrivain public un peu coincé , vivant une histoire d’amour avec la voix féminine de son système d’exploitation d’ordinateur « Her » de Spike Jonze  ! C’est Scarlett Johanson , la « voix » qui reçut des prix pour son interprétation vocale (Rome/ Washington) et le film a obtenu l’Oscar du meilleur scénario. Néanmoins sa composition de cet auteur en plein doute sur sa vie amoureuse a accentué le capital sympathie vis à vis de l’acteur au look volontairement vintage ! 

En 2015 il retrouve son réalisateur de « The Master » mais dans un registre pus décalé et moins tortueux avec « Inherent Vice » . C’est une adaptation d’un roman « Vice Caché » de Thomas Pynchon . C’est aussi et surtout un hommage un peu foutrac mais artistiquement intéressant au film noir et à celui plus précis du privé dépassé par son enquête . Phoenix y campe , toujours avec abandon , un détective baba cool déterminé mais à son rythme.

En 2015 Woody Allen en fait son « Irrational man » , un prof de philo dépressif et en quête existentielle qui va retrouver le goût à la Vie en perpétuant un meurtre !Le film réunit aussi Emma stone en étudiante amoureuse pis suspicieuse . Certains reprochent à « l’homme irrationnel » d’être un peu bavard et lent mais Woody Allen renoue avec une certaine verve et le clin d’œil final vient confirmer le talent de l’octogénaire. Phoenix rend tout de suite crédible sa composition de dépressif bedonnant !

En 2017 Joaquin Phoenix a reçu le prix d’interprétation à Cannes pour « You Were Never Really Here «  de Lynne Ramsay rebaptisé « A beautiful day » pour sa sortie en France en Novembre 2017 ! L’accueil à Cannes a été très partagé mais le jury présidé par Almodovar a tranché en lui décernant 2 prix , celui du scénario et le prix du meilleur acteur ! Phoenix y campe un tueur à gages solitaire , froid, dépressif et implacable portant secours à une petite fille victime de pédophilie , objet sexuel des décideurs politiques « déviants » et des hautes sphères . (Voir rubrique Avis Cinefeel) )

En 2017 Joachin Phoenix ne semble pas apaisé puisqu’il est apparu un peu « hagard » à la remise du prix d’interprétation le soir. C’est une anti star qui est bel et bien en train de devenir un acteur majeur et …une star malgré lui comme le prouve cette photo « furtive » prise à la sortie de la conférence de presse du matin de « You were never really here »/ « A beautiful day » où il accéléra le pas quand des fans lui demandèrent une photo !

Il va incarner une autre star … Jésus dans « Marie Magdalena » du réalisateur de « Lion » Garth Davis. Cela ne va pas atténuer son côté christique et tourmenté , cet introverti fiévreux qui nourrit ses rôles de sa fragilité et de ce sentiment d’être toujours sur la corde raide . Photo de tournage avec sa partenaire aussi dans la vie , l’actrice Rooney Mara qui incarne Marie Madeleine ! Le film ne va pas avoir l’impact souhaité et passera un peu inaperçu , ressenti, par beaucoup, plus comme un film indépendant dépouillé qu’un indispensable abordant un sujet casse-gueule par excellence.

Il va retrouver Gus Van Sant pour « Don’t worry, He won’t get far on foot » sorti en catimini .

En 2018 , il fait partie du cast très masculin de « Sisters Brothers », avec Jake Gyllenhaal & Riz Ahmed. premier film américain , un western, de Jacques Audiard , un des cinéastes français les plus talentueux de sa génération. Dans le film il joue le frère de John C Reilly (acteur initiateur du projet) , un chasseur de primes assumant complètement son rôle de « tueur  » avide d’argent face à son frère plus âgé aspirant à se « ranger ». L’ensemble est surprenant , a une couleur européenne tout en respectant les codes du western . « Les frères Sisters  » ont connu un succès d’estime aux USA et a été plus reconnue sur le sol français !

En 2019 , sur les écrans, Joaquin Phoenix va ensuite incarner le rôle iconique et pop du « Joker » sous la direction de Todd Philipps (« Very Bad Trip ») . C’est ce film là qui , au final, va sûrement faire de lui une star internationale .  Il y  apporte avec sa personnalité « écorchée » et sa faculté à changer physiquement une puissance de jeu et une habitation fiévreuse rarement égalée . Il incarne la folie avec maestria et « perdition » physique et mentale . Le film connait un succès mondial retentissant en montrant un Arthur Fleck , comédien de stand-up raté jouant les clowns pour survivre . il fantasme sa vie et devient l’incarnation aussi d’une révolte en écho aux inégalités d’une société sans pitié pour les sans grades . Le climat (ou le climax) du film convoque des références du Cinéma américain des années 70 incontournables telles que « Taxi Driver » de Scorsese « Network » de Lumet ou celle de « La Valses des Pantins » de 1983. L’instant de quelques plans la prestation de Phoenix renvoie aussi à Kubrick et « son  » Shining avec un Nicholson exprimant lui aussi la folie à la quasi perfection. Scorsese devait être producteur du film et s’est retiré mais son « empreinte sous jacente » est assurément visible et « palpable » . La force du film est aussi de détourner un personnage de comics , ancré dans la pop culture , pour en faire un être « ordinaire » taraudé par les mêmes maux que notre société actuelle. Il représente « ceux qui ne sont rien » et devient aussi un écho de nos sociétés malades, surmédiatisées et socialement inégalitaires. Cette réécriture intelligente est servi par un acteur bluffant & investi à 200%.  Joachim Phoenix est clairement exceptionnel , faisant presque oublier les prestations plus proches des comics de Jack Nicholson & Heath Ledger . Peut être que ce succès s’explique par l’aspect très quotidien de sa prestation car , ici , pas d’effets spéciaux ou de « bain dans un liquide nocif » , le joker devient la concrétisation de la folie progressive dans laquelle sombre ce « héros du mal malgré lui » dont la seule finalité est le chaos ! Todd Philipps a pris des libertés avec le personnage DC , ennemi juré de Batman (ici absent puisque ce sont les origines du vilain qui sont traitées) .Certains y trouvent des éléments d’identification. Même si d’autres se sont un peu enflammés sur les réseaux sociaux sur la qualité « monumentale » du long métrage et le qualifiant de « film du siècle » , le film , parfois contesté pour sa noirceur , a quand même obtenu le lion d’or à la Mostra de Venise . Le succès planétaire est immense , son exploitation n’est pas encore terminée et le budget du film , soit 55 millions de $ est largement « amorti » puisque au 20 octobre 2019 , le résultat au Box Office s’élève à 900 Millions de $ (international +USA) ! C’est donc un film populaire traitant d’un être en proie à la folie ! Hollywood murmure qu’une suite est donc plus qu’à l’étude . Joachim Phoenix aurait répondu qu’une séquelle n’était pas exclue , même s’il lui avait fallut perdre plus de 23 kgs pour incarner cet homme à la dérive au rire glacial , faisant d’un être sensible et écorché , un assassin vecteur de la colère et de la folie ! La prochaine étape sera notamment la cérémonie des Oscars 2020 où l’acteur part favori pour obtenir sa première statuette de « Meilleur acteur » ! A suivre.

Notes

In 2017 Joachin Phoenix does not seem calm since he appeared a little "haggard" at the award of the interpretation prize in the evening. It is an anti star that is indeed becoming a major actor and ... a star in spite of him. A climb with challenging choices and confirmed directors: Gus Van Sant ("To Die For" 1995) Oliver Stone (U Turn 1997) Ridley Scott (Gladiator 2000 , excellent with the play of Commodus cowardly and deranged) James Gray ( The Yards / We Own the night (an unknown masterpiece)/Two Lovers / The Immigrant) Spike Jonze ("Her" 2014)Paul Thomas Anderson ("The Master "-2013/ "Inherent Vice" 2015). It is an actor who derives his power from his fragility and his capacity to indulge, give himself body and soul! It's a paradox that almost cost him his acting career with Casey's fake documentary affleck "I'm still here", a real bad idea! Now he can not stop shooting and soon will join the set of "Sisters Brothers" the first American film of a great French director, Jacques Audiard! An anti star can become a great actor and almost ... a star! In addition he also embodies another very humble star ... Jesus Christ! And nearly with the same investment he plays "Joker" (2019) with a strengtful and an amazing vulnerability ! The Todd Philips'movie is a huge success .Perhaps cause it's not a portrait of a vilain but also a dark miror of the actual society with inegalities and no solutions for the lower class ! And paradoxically Joachim Phoenix can became a big star with still an anti hero !
Joaquin Phoenix :A great actor, a feverish introvert !
Category: Portraits

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