« WildLife » / « Une saison ardente » de Paul Dano avec Carey Mulligan, Jake Gyllenhaal , Ed Oxenbould, Bill Camp … CANNES 2018 Présenté à la Semaine de la Critique Film d’ouverture Vu au Palais des Festivals salle Bunuel le10/05/2018 Sortie Cinéma 19 décembre 2018
Une des premières images du film nous montre une famille unie où la mère (Jeannette) joue son rôle de mère , attentive et aide son fils de 14 ans Joe, à faire ses devoirs sous l’œil bienveillant du chef de famille trentenaire. L’image de fin sera aussi un cliché familial mais avec un changement radical de trajectoire.
C’est l’Amérique profonde des années 60 (le Montana), un couple très middle class voir lower class (« les petites gens comme nous doivent rester à leur place ») va voir son équilibre fragile vaciller lorsque Jerry (Jake Gyllenhaal) perd son emploi et que Jeannette (Carey Mulligan) va se remettre au travail . Cette déliquescence progressive de l’histoire de ces 2 êtres un peu en errance va être suivie par cet ado de 14 ans , « pris » comme témoin de ces parents et acteur-spectateur , malgré lui , du naufrage parental. Son passage à l’age adulte va peut être s’accélérer brutalement. Le jeu des faux semblants va cesser et les craquelures sous-jacentes des deux protagonistes vont s’ouvrir de plus en plus . Jerry décide de s’éloigner un temps et accepte de travailler avec les pompiers pour lutter contre les incendies de forêts un peu éloignées. Jeannette ne va pas jouer les épouses épleurées …
Paul Dano (acteur vu dans « Looper » / « Prisoners »/ « 12 years a slave »/ « Elle s’appelle Ruby »…) signe son premier film en tant que réalisateur . Sa mise en scène est sobre et épurée . La tonalité du film est dépouillée, naturaliste, littéraire , par certains aspects , comme des pages que l’on tourne de manière nonchalante. Paul Dano et Zoe Kazan ont adapté un livre de Richard Ford . Certains plans font penser, furtivement , aux peintures d’Edward Hooper (les fenêtres éclairées de la maison la nuit vues de la rue, le shop corner…). Le néo réalisateur utilise les plans fixes et filme , par moments au plus près des acteurs en utilisant le gros plan. L’atmosphère est minimaliste et intimiste. Le rythme est lent, voir indolent mais va doucement nous entraîner. Certains trouveront peut être ce premier long « rêche » , sans fioritures et austère dans son traitement.
Dano donne une belle partition à jouer à l’actrice britannique ,Carey Mulligan , loin des ses précédentes prestations. Pour mémoire elle est connue pour ses rôles dans « Shame » (souvenez vous ce « New-York New-York » si poignant), « Drive » , » Inside Llewyn Davis », »Une éducation »… Ici elle livre une composition d’orfèvre, magistrale en femme « forte de caractère » , impulsive, désabusée, « sur le fil », un peu perdue (« Il faut que je me réveille vers quoi , je ne sais pas » dit le personnage à son fils) et désirant retrouver sa féminité et peut être son indépendance. Ed Oxenbould (Joe) , vraiment convaincant, semble être le prolongement physique version ado de Paul Dano , une réelle similitude de traits est troublante . L’enfant va devoir grandir plus vite que prévu , étant interpellé par les questionnements de ses parents et devant faire face aux interrogations adultes. Jake Gyllenhaal livre une composition , plus en retrait mais montre aussi une nouvelle palette de son jeu plus subtile et sobre . Il incarne avec justesse cet « adulescent » peu stable professionnellement ayant du mal à assumer son rôle de père et mari , fragilisé par conséquence. (« Joe ,aide -moi!). L’acteur est aussi un des producteurs du film . C’est un vrai choix assumé pour ce surdoué du jeu , pas encore reconnu par ses pairs mais bel et bien incontournable dans le « ghota hollywoodien » des comédiens pour le grand public .
« WildLife » est une chronique psychologique intimiste et forte . Ses interprètes sont le vrai atout du film , mention spéciale pour Carey Mulligan. Par certains aspects , les fêlures progressives du couple font penser à « Les Noces rebelles » (2008) de Sam Mendes . C’est aussi l’axe de mettre à contribution l’enfant dans le processus de dévissage , de l’interpeller en tant qu’interlocuteur, sans le protéger qui fait la singularité de ce drame psychologique familial . « WildLife » a fait l’ouverture de la Semaine de la critique à Cannes en 2018 (09 mai) .