« Dark Waters » de Todd Haynes avec Mark Ruffalo , Anne Hathaway, Tim Robbins , Bill Pullman … Sortie Cinéma le 26 Février 2020
Todd Haynes (à droite sur la photo) délaisse un temps ses portraits de femmes (« Carol » 2016 / « Loin du Paradis » 2002) ou ses explorations artistiques (« Le Musée des merveilles » 2017) ou épurées (« Safe » 1995) . Ici il se met au service de cette histoire d’avocat d’affaires de l’industrie chimique parti en « guerre », malgré lui (dicté par sa conscience), contre un géant économique (la société Dupont) pour défendre des fermiers victimes d’agissements anti environnementaux meurtriers . C’est une histoire vraie de scandale bigger than life , du pot de terre contre le pot de fer , du capitalisme forcené face à la santé publique et le respect de l’Humain et de l’environnement !
L’instigateur du projet est bel et bien Mark Ruffalo , en rupture du Dr Banner / Hulk . Il est à la fois acteur principal et producteur via Particpant Media. Il a vu en ce projet le moyen de ressusciter un certain Cinéma de genre , celui du combat justifié de l’avocat ou de l’humain face aux grands groupes américains s’asseyant volontiers sur les règles au nom du Dieu « Profit » ! Ici il incarne Robert Bilott , un avocat spécialisé dans la défense de l’industrie chimique . Un des clients du cabinet où il vient tout juste d’être nommé associé , la société Dupont, grande multinationale leader du marché va se trouver au coeur d’un potentiel scandale de pollution intentionnelle dans la campagne de l’Amérique profonde où il a vécu son enfance à Cincinatti . L’avocat , tenaillé entre sa conscience et la volonté de ne pas détruire sa carrière , va néanmoins mener l’enquête et découvrir des preuves accablantes , non sans peines et sans dégâts dans sa vie personnelle et professionnelle . Sa ténacité lui coûtera presque la vie .
Mark Ruffalo a du s’inspirer du vrai avocat au niveau du phrasé , de la démarche et de l’attitude . Ici il compose un homme droit , mu par un devoir d’honneteté , d’allure pataude , à la limite de l’autiste par moments tellement il va se consacrer corps et âme à sa « mission » ou du moins à son travail !
Anne Hathaway joue les potiches les deux premiers tiers du film et c’est dommage car elle a une scène vraiment réussie face au patron et ami de son mari où elle est bouleversante, intense et montre l’étendue de son talent ! « Dark waters » c’est aussi l’occasion de revoir avec plaisir ,dans un rôle périphérique Tim Robbins , disparu des radars depuis un petit moment , en mentor compréhensif de l’avocat .
L’idée de donner les commandes à Todd Haynes est assez audacieuse , car l’histoire fait penser à l’univers d’un Soderbergh , on pense forcément à « Erin Brockovitch » ou même d’un Gus Van Sant , lui aussi s’essayant au film de commande avec « Promised Land » . L’ambiance est à la fois grise pour les scènes extérieures et chaleureuses et criardes parfois pour les intérieurs . Le film renvoie aussi au Cinéma de seventies pour le côté « enquête-investigation » contre l’establishment . Le parti pris a été la reconstitution des evènements tels qu’il se sont passés, l’authenticité avant tout , forcément avec un tel sujet, il fallait être documenté & précis . Mais par quelques rares moments la musique de Marcelo Zarvos instille une sensation de tension et de thriller qui aurait permis d’adhérer vraiment sur la durée à cette enquête sous forme de sacerdoce personnel pour l’avocat qui apparaît très linéaire , lente et parfois laborieuse .
Todd Haynes n’a pas vraiment réussi à « apporter sa patte » , à transcender son sujet et à le porter au niveau de ses références seventies . Son rythme lent , à l’image du protagoniste principal dans sa quête de vérité , pourra , selon les personnalités , séduire ou rebuter sur la durée ! Les bonnes intentions ne font pas forcément des films incontournables . « Dark Waters » oscille entre l’enquête « habitée » âpre à l’échelle d’un homme face à un système et un côté « Wikipédia » , très documenté mais sans vraie « valeur ajoutée artistique » et avec quelques « redondances récurrentes ».
Au final « Dark Waters » est un film engagé classique dénonçant les dérapages du système mené par un Mark Ruffalo convaincant sur la durée , une Anne Hathaway pas assez mise en avant et une réalisation sage et un peu trop « appliquée » .