Zoom sur « The Verdict » (1982) de Sydney Lumet avec Paul Newman, Jack Warden, Charlotte Rampling, Roxanne Hart, James Mason, Lindsay Crouse…
Franck Galvin, la soixantaine encore fringante mais « arrosée » , est un avocat has been , pilier de bar , pochtron notoire au mode de vie pathétique . Brisé par une déchéance sociale et familiale , accusé injustement de subornation de témoins 10 ans plus tôt , il n’a traité que 3 affaires en 4 ans ! Quand son mentor, ami et ancien associé, Mickey lui propose une affaire « facile » de négligence médicale , sa vie va prendre un tournant inattendu ! Sa conscience va se réveiller , il va être sensible à la détresse de cette femme enceinte de son 3 ème enfant venue en toute confiance à l’hôpital Sainte Catherine, propriété de l’archevêché . Elle est dans le coma depuis 4 ans. Ce cas « juteux » est avant tout un drame humain.Il va refuser l’accord à l’amiable de 210 000 $ pour aller au procès défendre cette femme dans le coma suite à l’utilisation du mauvais anesthésique . « Nous sommes tous payés pour détourner les yeux…Si j’accepte de le prendre , je suis perdu ! » Mais cet « acte de foi » va être aussi un moyen pour lui de retrouver sa dignité et le courage et la pugnacité propres à faire face au système .Ce procès sera-t-il pour lui une sorte de rédemption ? (« C’est maintenant ou jamais !Cette affaire, je sais que je peux la gagner.Il faut que je me batte pour cette fille … je veux plaider ! « ) Que va faire Franck aidé par Mickey face au cabinet juridique mandaté par l’archevêché avec à sa tête Edward J Concannon (James Mason) ? Sa possible renaissance peut passer aussi par une rencontre amoureuse en pointillés avec l’énigmatique mais attirante Laura ( Charlotte Rampling) « C’est le genre rivière sans retour » ! Quel sera le verdict final rendu par les jurés ?
Paul Newman « prête » ses yeux bleus délavés , son allure et sa présence « abîmée » pour incarner Franck Galvin. C’est un « gambler malgré lui » désirant retrouver ses idéaux de justice , son professionnalisme , ses compétences et sa confiance en ses capacités : « Les faibles ont besoin que quelqu’un se batte pour eux …c’est pour ça que le tribunal existe, c’est pour leur donner une chance de justice » » C’est ce que vais essayer de faire ! »
L’adversité va être rude et les coups bas aussi . Franck va devoir s’adapter, creuser, enquêter avec cette intention pugnace de « renverser la table » ! « Je vais faire tout mon possible pour votre sœur , je sais que c’est important pour vous et pour moi ! » Le doute va s’immiscer face aux imprévus et aux difficultés . C’est en fait sa vie qu’il joue . « Il n’ y a pas d’autres affaires , c’est la seule qui compte ! » Sa plaidoirie finale sera une supplique au retour de la Justice !
Les trois points forts du film sont l’interprétation, la qualité d’écriture et la réalisation où la simplicité classique et l’efficacité sont les maîtres mots .
Paul Newman interprète de manière « sobre » et juste cet alcoolique, ce « looser perdu » (au début du film , il arpente les enterrements pour donner sa carte de visite), voyant s’offrir à lui un moyen de redevenir « humain » et surtout de retrouver ses idéos ! L’acteur ne va pas faire d’effets de manches superflus , toute en retenue , quelques fois en silence et évidemment en charisme naturel ! Il est magistral et obtiendra une nomination à l’Oscar en 1983 pour un de ses meilleurs rôles tout en nuances . Charlotte Rampling interprète un rôle tendancieux, rude et au final fragile. James Mason apporte aussi son flegme et son métier au personnage de l’avocat « installé » de la partie adverse.
Sydney Lumet signe un film de prétoire bien huilé, « millimétré » et solidement orchestré, dans sa deuxième partie . Mais ce serait réducteur de se cantonner à ce genre ou à celui de l’investigation. C’est aussi et surtout le portrait d’un homme à la dérive reprenant conscience de l’essence même de son métier. La route du procès sera semée d’embûches. C’est d’ailleurs l’impression d’une petite musique , prenant son temps , aux teintes désespérées mais captant vraiment notre attention par le côté attachant du personnage et la tenue du récit . L’allégorie du flipper (le personnage joue devant une baie vitrée avec un paysage de neige) répétée trois fois à trois moments différents est intéressante . Lumet sait lui aussi être sobre et la fluidité du film teintée d’un certain spleen vient aussi de cet attachement progressif du spectateur au personnage de Franck, devenant empathique . Sydney Lumet a une filmo riche où certains sont considérés comme des « classics » incontournables: « Douze hommes en colère » (1957), « Serpico » (1973) , »Dog day afternoon » (1975) , « Network » (1976) « Le Prince de New York » (1981) … à tort ou à raison. Son Cinéma peut être inégal avec une impression de « trop peu » . Ici avec « The Verdict » Lumet signe un très bon film « classique » , offrant un rôle marquant à Paul Newman.
David Mamet , dramaturge reconnu et scénariste va être en charge de l’adaptation du livre de Barry Reed , co-scénariste sur le film. Il va vraiment faire un travail de minutie, de justesse dans les dialogues et la « (re)construction » du personnage de Franck Galvin. L’intrigue judiciaire sera aussi efficacement ciselée et menée . Mamet connaîtra 5 ans plus tard un énorme succès en signant le script de « Les Incorruptibles » / « The Untouchables » en 1987 .
« The Verdict » a un léger parfum vintage de « film à l’ancienne » avec une atmosphère mélancolique . Mais le film résiste bien au temps et apparaît presque intemporel tant son sujet est universel et traité avec un savoir-faire indéniable et un talent de mise en scène éprouvé ! A voir ou à revoir en appréciant « The Verdict » (1982) comme un bon pur malt avec « 36 ans d’âge » !