« Mank » de David Fincher avec Gary Oldman , Amanda Seyfried , Arliss Howard , Lilly Collins , Charles Dance…

06/12/2020 10:13

« Mank » de David Fincher avec Gary Oldman , Amanda Seyfried , Arliss Howard , Lilly Colins , Charles Dance , Tom Pelphrey , Tom Burke … Sortie numérique et disponible sur NETFLIX à partir du 04 décembre 2020

Cela faisait 6 ans que David Fincher n’avait pas « sorti de long métrage » depuis l’excellent « Gone Girl » (2014) . La nouvelle proposition du maître de l’image était donc fortement attendue par bon nombre de fans et « les professionnels de la profession » . Ici il est question d’une profession essentielle au Cinéma : le scénariste . Fincher exhume le scénario d’un autre Fincher , Jack , son père sur la génèse et le travail fait par Hermann J Mankiewicz  sur un film considéré encore aujourd’hui comme un chef d’œuvre , « Citizen Kane » sorti en 1941 . 

Disons le tout de suite , les 30-40 premières minutes de « Mank » sont , à mes yeux magistrales . Fincher comme un champion remontant sur le ring , nous en met plein la vue « formellement et visuellement » parlant . le film happe et intrigue . L’arrivée d’Orson Welles (Tom Burke) au chevet d’Hank , après un accident de voiture est déjà iconique . Tel un spectre aux allures de « Darkman » , la silhouette de Welles apparait trouble et « ombrée » avec son chapeau , sa cape et rappelle un autre plan , celui du tueur de « Seven » sous la pluie rencontrant le détective Mills ! The big one is back !

Toute l’attention portée à la reconstitution du Hollywood des années 30 est magnifiée par le noir et blanc et le travail porté à l’image , son grain & son côté vintage revendiqué ! Fincher pousse son perfectionnisme jusqu’à la coquetterie , quand il insère de façon numérique , les  petits cercles rappelant le changement de bobines au temps « béni » du Cinéma à l’ancienne avec un projectionniste . Le sens du rythme est là , la narration est fluide , elle se concentre sur la position de Mankiewicz dans le processus créatif et ce travail « d’accouchement » d’une œuvre avec des impératifs de « dead-line » et de « rendu en temps et heure » . Mank est « sous contrôle » afin qu’il ne retombe pas dans ses démons personnels (l’alcool , le jeu , le dilettantisme distancié …) . Un assistante sténo (Lilly collins) et un superviseur de l’avancement du projet lui sont « affectés » .  On adhère à cette proposition chiadée visuellement et intéressante narrativement. 

« Mank » est donc d’abord et surtout (dans une bonne partie du film et la meilleure) un hommage aux scénaristes , lorsque les incrustations « typographiées » se succèdent à l’écran pour situer l’action comme les « mentions obligées » d’un script Cinéma:  « Extérieur jour : les studios de la MGM … » ou « Extérieur jour … (flashback) » . C’est aussi l’occasion pour Fincher de montrer les affres de la création , la difficulté de « dealer avec les grands studios  » d’Hollywood où les décideurs sont assez loin des contingences artistiques ! « Ils les font tourner pour les banquiers » . Ce sentiment de rébellion & de désillusion face à l’industrie du Cinéma et des décideurs que ressent Mank  , le réalisateur Fincher l’a connu aussi lors de ses différents projets ambitieux avortés .

Donc « Mank » apparaît comme un projet personnel de David Fincher , de part son origine paternelle et son écho à son propre parcours de « créateur ».

Pour autant est ce que les bonnes intentions , soient elles concrétisées par un grand cinéaste , peuvent elles provoquer une adhésion sans failles à une proposition artistique exigeante et allant dans différentes directions ? La réponse est dans la question . Fincher perd un peu au fil du film son sujet ou du moins en effleure d’autres . Du coup le spectateur aussi , d’abord charmé  puis un peu décontenancé , se retrouve « perdu » et désintéressé par sa vision décousue, « multi directionnelle » &  foisonnante des travers d’Hollywood et d’un homme dépassé par les enjeux de son époque et les impératifs contraignants de sa profession de créateur . On décroche car l’ensemble devient démonstratif et s’étire sur la durée . « L’exercice » reste brillant à priori mais long & l’intérêt s’effiloche avec le sentiment lancinant que le film tourne en rond ! 

Mank est incarné par Gary Oldman . Omniprésent  à l’écran il y trouve forcément un de ces meilleurs rôles arrivant à faire passer une bonhomie maline et torturée à ce personnage doué , ivrogne désabusé , volubile, bedonnant et non dénué d’humour .

Amanda Seyfried incarne Marion Davies , jeune starlette hollywoodienne « consentante » , tombée sous la coupe de son mentor , le magnat de la presse William Randolph Hearst . L’actrice fait le job en incarnant cette égérie malgré elle , simple et sensée . elle ne crève pourtant pas l’écran même si c’est peut être une de ses meilleurs prestations . 

C’est Charles Dance , présent lors du premier Fincher « Alien 3 » qui incarne le nabab propriétaire de magazines , de  journaux , de  radios et compagnies de Cinéma .

« Mank » a été qualifié de difficile ou de pas si évident d’accès mais si le film connaît , à mes yeux un décélération , dès que le personnage central a livré son script , la maestria visuelle est bien présente . La scène du monologue de Louis B Meyer (Arliss Howard très bon) entouré de ses collaborateurs , arpentant , les studios de la MGM et vantant ses mérites personnels et sa gestion de  « bon père de famille » à la réussite du studio , lors d’un long plan séquence , est vraiment captivante . C’est un sentiment d’éparpillement qui fait perdre au film son intérêt principal . Fincher s’appesantit sur une élection d’un gouverneur de Californie en 1934 montrant la couleur « républicaine » de studios , là où on aurait aimé que l’histoire avec « petit Joe » (Tom Pelphrey) , l’autre Mankiewicz soit plus fouillée et décortiquée . Joseph Mankiewicz deviendra un des plus grands cinéastes américains par la suite et auteur notamment  de « Soudain l’été dernier » , « La comtesse aux pieds nus  » , « Eve » , « Cléopâtre » et bons nombre de films incontournables ! 

Fincher montre l’envers du décor des studios hollywoodiens dans une période difficile de post crise 1929 et de montée du nazisme en Europe , de la main mise de quelques capitaines d’industrie & de décideurs . Forcément cette période troublée peut aussi faire écho à l’époque actuelle en pleine mutation politique , sociétale , artistique et économique , au delà de l’aspect sanitaire. Ce contexte donne aussi au film une certaine modernité par un jeu de miroir de l’Histoire ! 

Pour résumer c’est au niveau du script et de sa structure que le film fait défaut , à mes yeux ! Peut être que Fincher a voulu rester trop fidèle au scénario de son père , journaliste reconnu , qui lui fit découvrir « Citizen Kane » ! « Mank » est quand même un beau film même s’il est loin d’être le meilleur de son auteur-cinéaste.

En tout cas ce qui peut poser aussi problème est que le film est diffusé sur Netflix , cette plateforme de VOD en plein essor et vrai « poids lourd » dans l’industrie de l’entertainment et de la diffusion des films  . Certes « Mank » a tout d’un format Cinéma mais le visionnage sur un ordi ou une TV n’implique pas une attention sans faille et une immersion que seul le Cinéma peut offrir . Et cela désert forcément le propos . A titre personnel j’ai « morcelé le film avec 2 « stops » (arrêt puis reprise du film avec un intervalle court ou conséquent) , chose impossible dans une salle obscure ! 

Néanmoins le film aura droit à une sortie limitée en salles sur le sol US afin d’être éligible aux Oscars . Netflix va sûrement investir , à l’instar de « Roma » d’Alfonso Cuaron , une somme rondelette pour faire campagne pour le film envers les votants face à une « offre » de lauréats forcément réduite par la pandémie et les ouvertures-fermetures incessantes des salles de Cinéma notamment aux Etats Unis !

Fincher vient de signer un contrat d’exclusivité avec Netflix pour une durée de 4 ans ! « Mank » est un blanc seing donné au réalisateur comme l’était « The Irishman » à Scorsese mais pour autant si la créativité des cinéastes reste intacte , le côté « roue libre » de ces auteurs n’a pour l’instant , pas été canalisée par la plateforme  !  Est ce que « Mank » marque un vrai nouveau départ pour Fincher ? Laissons faire le temps !

 

 

A sharp brilliant uneven proposal about the sreenwriter professsion !

Scénario
Réalisation
Interprétation
Musique
It had been 6 years since David Fincher had "released a feature film" since the excellent "Gone Girl" (2014). The new proposal of the master of the image was therefore eagerly awaited by many fans and "professionals of the profession". Here it is a question of an essential profession in Cinema: the screenwriter. Fincher unearths the scenario of another Fincher, Jack, his father on the genesis and the work done by Hermann J Mankiewicz on a film considered still today as a masterpiece, "Citizen Kane" released in 1941. Let's say it right away, the first 30-40 minutes of "Mank" are, in my eyes, masterful. Fincher like a champion coming back into the ring, amazes us "formally and visually" speaking. the film grabs and intrigues. The arrival of Orson Welles (Tom Burke) at Hank's bedside after a car accident is already iconic. Like a "Darkman" -like specter, Welles' silhouette appears cloudy and "shaded" with his hat, cape and recalls another shot, that of the killer of "Seven" in the rain meeting Detective Mills! The big one is back! All the attention paid to the reconstitution of Hollywood of the 30s is magnified by the black and white and the work carried to the image, its grain & its claimed vintage side! Fincher pushes his perfectionism to the point of coquetry, when he digitally inserts the small circles recalling the change of reels in the "blessed" time of old-fashioned cinema with a projectionist. The sense of rhythm is there, the narration is fluid, it focuses on Mankiewicz's position in the creative process and this work of "giving birth" to a work with imperatives of "dead-line" and "rendering in time and hour ". Mank is "under control" so that he does not fall back into his personal demons (alcohol, gambling, distanced dilettantism ...). A steno assistant (Lilly Collins) and a project progress supervisor are "assigned" to her. We adhere to this visually and narratively interesting proposition. In any case, what can also pose a problem is that the film is broadcast on Netflix, this booming VOD platform and a real "heavyweight" in the entertainment and film broadcasting industry. Admittedly, "Mank" has everything a Cinema format, but viewing on a computer or TV does not imply the flawless attention and immersion that only Cinema can offer. And that necessarily desert the subject. However, the film will be entitled to a limited theatrical release on US soil in order to be eligible for the Oscars. Netflix will surely invest, like Alfonso Cuaron's "Roma", a tidy sum to campaign for the film towards voters in the face of an "supply" of winners necessarily reduced by the pandemic and the incessant openings-closings of the Movie theaters especially in the United States! "Mank" is therefore first and foremost (in a good part of the film and the best) a tribute to the writers, when the "typographical" inlays follow one another on the screen to situate the action as the "obligatory mentions" of 'a Cinema script: "Exterior day: the MGM studios ..." or "Exterior day ... (flashback)". It is also the occasion for Fincher to show the pangs of creation, the difficulty of "dealing with the big studios" of Hollywood where the decision makers are quite far from artistic contingencies! "They run them for the bankers." This feeling of rebellion & disillusionment vis-à-vis the Cinema industry and decision-makers that Mank feels, the director Fincher also knew during his various abortive ambitious projects. So "Mank" appears as a personal project of David Fincher, because of its paternal origin and its echo to his own career as a "creator". However, can good intentions, be they concretized by a great filmmaker, provoke an unfailing adhesion to a demanding artistic proposal and going in different directions? The answer is in the question . Fincher loses his subject a bit over the course of the film, or at least touches on others. Suddenly the spectator too, at first charmed then a little disconcerted, finds himself "lost" and disinterested by his disjointed, "multi-directional" & abounding vision of Hollywood shortcomings and of a man overwhelmed by the challenges of his time and the binding requirements of his profession as a designer. Mank is played by Gary Oldman. Omnipresent on the screen, he inevitably finds one of those best roles managing to convey a clever and tortured bonhomie to this gifted character, disillusioned drunkard, talkative, paunchy and not devoid of humor. "Mank" has been described as difficult or not so obvious to access, but if the film experiences a deceleration in my eyes as soon as the central character has delivered his script, the visual mastery is there. The scene of the monologue by Louis B Meyer (Arliss Howard very good) surrounded by his collaborators, surveying the MGM studios and praising his personal merits and his management of "good father" to the success of the studio, during a long sequence shot, is really captivating. It is a feeling of scattering that makes the film lose its main interest. Fincher dwells on an election for a governor of California in 1934 showing the "Republican" color of studios, where we would have liked the story with "little Joe" (Tom Pelphrey), the other Mankiewicz to be more detailed and shelled. Joseph Mankiewicz will become one of the greatest American filmmakers thereafter and author in particular of "Ben Hur", "The barefoot countess", "Eve", "Cleopatra" and a good number of films. Fincher shows the behind the scenes of Hollywood studios in a difficult period of post 1929 crisis and the rise of Nazism in Europe, under the control of a few captains of industry & decision makers. Obviously this troubled period can also echo the current era in full political, societal, artistic and economic change, beyond the health aspect. This context also gives the film a certain modernity by mirroring history! To summarize it is at the level of the script and its structure that the film is lacking, in my eyes! Maybe Fincher wanted to stay too faithful to the script of his father, a renowned journalist, who introduced him to "Citizen Kane"! "Mank" is still a beautiful film even if it is far from being the best of its author-filmmaker.
Shared feeling at the vision of "Mank" !
Category: Avis Cinefeel

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