Regard porté sur « Fruitvale Station » de Ryan Coogler Avec Michael B Jordan, Octavia Spencer, Melonie Diaz, Ariana Neale … Disponible en DVD /Blu Ray .
Présentation Section Un Certain Regard Jeudi 16 Mai 2013 Cannes 2013/ Sortie Cinéma Mercredi 1er janvier 2014 /Grand Prix du Jury Sundance & Prix du Public Sundance Film Festival
« Retenez bien ces deux noms Ryan Coogler et Michael B Jordan car ils sont encore inconnus mais ne vont pas le rester longtemps dans ce premier film pour le réalisateur et un « lead rôle » en or pour cet acteur aperçu dans des films tels que Chronicle. En plus Le Nouvel Obs et Télérama n’ont pas aimé c’est plutôt bon signe ! » .Voilà ce que j’écrivais à la sortie de la projo de ce film indépendant punchy, sobre , juste et maîtrisé au Festival de Cannes en mai 2013 . Il n’y avait pas besoin d’être visionnaire pour voir le talent de Ryan Coogler / réalisateur et Michaël B Jordan/ acteur . Cet « attelage » s’est reformé deux fois depuis avec le plutôt réussi « Creed » (2015) et le plus contestable mais acclamé « Black Panther » (2018).
« Fruitvale station » est inspirée d’une histoire vraie et relate un fait divers marquant aux Etats Unis (Californie) une bavure policière qui avait entrainé des soulèvements « populaires ». Le caractère raciste est supposé (le policier aurait confondu taser et arme de poing ?) dans ce dérapage incontrôlé de flics envers des jeunes noirs le soir du Nouvel an de 2009 dans le métro d’Oakland à la station Fruitvale !
Ce qui frappe le plus dans ce film c’est la maitrise globale de l’entreprise et de la réalisation. Le Found Footage , d’habitude si agaçant est d’emblée mis en avant et optimisé, servant vraiment le récit avec la scène d’ouverture du téléphone portable et après le style caméra à l’épaule prend la suite de manière alternative. On retrouve chez Coogler , le caractère instinctif, speed et incisif d’un Singleton à ses débuts (« Boyz N the Hood ») ou d’un Fuqua à son meilleur ( Traning day) amis en gardant un soucis d’authenticité sans esbrouffes. Il donne l’impression de filmer comme il respire ! Sauf que là on n’est pas chez les Voyous avec un V majuscule. Le héros Oscar Grant, jeune black de 22 ans, n’est pas le gendre idéal. Certes il a fait de la prison, il est plutôt volage et deal de l’herbe mais il veut rentrer dans le rang pour enfin être responsable vis-à-vis de sa compagne mexicaine. Il est aussi un papa gâteau aimant et complice avec sa petite fille Tatiana au diminutif de T ( Ariana Neale , craquante actrice). Ce n’est donc pas l’homme parfait mais il a bon cœur et apparaît maladroit et attachant . Malgré une promptitude naturelle à monter dans les tours et donc à s’énerver, le fonds du gars n’est pas mauvais.
C’est là que Michael B Jordan incarne réellement cet Oscar avec un bagou, un charme désarmant, tour à tour violent avec l’œil noir du fighter, puis souriant-charmeur et blagueur avec sa fille, attentionné auprès de sa mère, d’un naturel serviable, fédérateur auprès de ses amis ou ses anciens clients. C’est cette ambivalence tellement bien rendue qui fait du personnage quelqu’un d’humain et empathique malgré ses défauts et ses emportements. Coogler dépeint l’histoire d’un « human beeing » lamda , d’un black des banlieues qui glande, écoute du hip hop mais veut vraiment retrouver le droit chemin malgré les erreurs de comportement passées . Il prend aussi une photo d’une société américaine interraciale basée sur la mixité et le melting-pot mais taraudée aussi par ses démons et ses aprioris.
Les détracteurs du film diront qu’ils ont à faire à un mélo axé uniquement sur le personnage très positif du film. Dont acte/ Ce n’est pas mon point de vue.
C’est une chronique sociale ordinaire où le spectateur est cueillit par le sens de la réalisation, (la scène du drame dans le dernier tiers du film fait froid dans le dos) servi aussi par une interprétation « fluide, naturelle et juste ». Le casting est composé d’Octavia Spencer (Oscar best supporting actress pour La couleur des sentiments) la mère d’Oscar « détachée » et sobre . Son interprétation est assez neutre mais proche du caractère de « la vraie mère » qu’elle incarne , donc le personnage apparaît moins empathique, malgré le désarroi, la douleur légitimes et son sentiment de culpabilité qui apparait à la fin. Melonie Diaz en compagne et Ariana Neale complètent la distribution.
Le film a reçu deux prix à Sundance (dont le Grand Prix) et concourrait à la caméra d’or en 2013 à Cannes. Ce film puissant, simple , dépouillé et poignant a été produit par Forest Whitaker et « présenté » par « The Weinstein Company » . C’est aussi la révélation d’ un cinéaste doué (vrai sens du montage, gros plans judicieux, parti pris de mise en scène…) sachant filmer le quotidien avec sensibilité, force et conviction. On espère que Ryan Coogler retrouve « la patte inspirée et simple » de ses débuts si absente dans la méga-production Marvel , « Black Panther » !