« La Belle Epoque » de Nicolas Bedos avec Daniel Auteuil , Fanny Ardant, Doria Tillier, Guillaume Canet, Michaêl Cohen, Denis Podalydès,Pierre Arditi … Sortie Cinéma le mercredi 06 Novembre 2019
Victor (Daniel Auteuil) illustrateur à l’ancienne , la soixantaine, est un peu dépassé , sa femme Marianne (Fanny Ardant) psychiatre outrancière & lassée de son laisser aller fataliste , en a marre et fiche à la porte ce mari vieillissant qui avait su la séduire par le passé . Par l’intermédiaire de son fils, Victor a l’opportunité de bénéficier d’une invitation à une sorte de « revival »- « Back to the future » par une société d’évènementiel d’un nouveau genre . C’est Antoine (Guillaume Canet) , « reconstituteur » perfectionniste , qui dirige, scénarise et recrée des époques précises, par l’emploi d’acteurs, de caméras et de décors, pour permettre à ses clients (souvent riches) de s’immerger à nouveau dans une période historique révolue . Victor choisit 1974 , époque bénie où il rencontra son grand Amour . C’est Margot (Dora Tillier) , vivant une histoire passionnelle avec Antoine qui va « réincarner » ce jeune amour perdu !
Autant le dire , tout de suite , « La Belle Epoque » est un coup de cœur . Nicolas Bedos m’avait déjà séduit par le tourbillon frais et jouissif de l’épopée amoureuse et tumultueuse d’un couple « Monsieur et Madame Edelman » (2017) , sa première réalisation , écrite à deux mains avec sa compagne Doria Tillier. Ici il est encore question du couple , de l’Amour et de son érosion , de la compatibilité des tempéraments , du temps qui passe (et qui abîme tout), le sablier de la vie , la force des souvenirs , les accents nostalgiques ,les rapports humains difficiles et on retrouve aussi la griffe acérée de Nicolas Bedos sur les travers technologiques de notre société actuelles et sur ses faux-semblants. Victor n’a pas de portable , n’utilise pas le VOD & se présente de l’archétype de « c’était mieux avant » ! Ce retour dans le passé va -t-il être déstabilisateur ou salvateur ?
Ce qui fait le charme , la spécificité et l’ADN du Cinéma de Nicolas Bedos c’est qu’il est , à la fois héritier d’un certain genre de Cinéma et en même temps vraiment novateur et totalement identifiable dans sa proposition à la fois formelle et substantielle . Avant d’écrire pour le Cinéma , le fils de son père , a œuvré au théâtre (ici il reprend quelques fondamentaux comme l’ adultère et l’Amour) et à la TV , cultivant son image de trublion caustique ,de cavaleur , entre le dandy de gauche et le collectionneur volontairement provoc et parfois agaçant. Mais qu’on aime ou qu’on apprécie pas ce « sous-peu quadra » , il est évident que le bougre a du talent .Nicolas Bedos a aussi une vraie culture Cinéma , clamant haut et fort clairement ses références : Truffaut , Cassavetes , Woody Allen … Son film pourrait être présenté par un cinéphile comme une sorte de revisite consentie du « Truman Show » accès sur l’Amour avec ici ou là des scènes de bistrots façon Claude Sautet et des tonalités flirtant avec ses inspirateurs précités tout en gardant cette efficacité à l’américaine comme une sorte de « Billy Wilder cynique, sentimental et moderne à la française » !
Ce qui peut synthétiser « La Belle époque » c’est … l’énergie . Car forcément l’auteur réalisateur y livre une part de ses interrogations voir de ses failles tout en assénant des dialogues percutants. La relation tourmentée entre Canet et Tillier résonnent peut être comme un miroir à sa propre relation personnelle avec l’actrice Doria Tillier , sorte de muse décalée alliant une tonalité rentre dedans et sûrement une vraie histoire d’amour ! Mais là je suppute peut être un peu sur la part de fiction & d’écriture , de romance et de réelles ressemblances , en tout cas ça peut y faire écho.
La partition est jouée par un casting parfaitement « distribué » ! Toujours est -il que Doria Tillier est juste et « nature » dans son double rôle d’amoureuse ! Daniel Auteuil trouve un rôle touchant ,bien écrit, cela faisait bien longtemps que je ne l’avais trouvé aussi convaincant en grand sentimental désireux de retrouver des sensations amoureuses . Fanny Ardant apporte aussi son « image » au personnage fantasque et finalement pas si lisse et calculatrice de cette femme de tête un peu en questionnement . Pour rappel elle avait eu le César de la meilleur actrice pour un rôle « enjoué » à contre emploi dans « Pédale douce ». Guillaume Canet est bon aussi . Le seul bémol , s’il en fallait un , serait peut être la scène finale, un poil appuyée, à mes yeux , entre les deux protagonistes .
Il faudra de toute manière compter à l’avenir sur un vrai cinéaste . Car le piège de « La Belle Epoque » aurait été d’être statique mais c’est tout le contraire , Nicolas Bedos multiplie les plans , les angles , le mouvement est sa grammaire et c’est un bon élève .Les prochaines nominations aux César devraient inclure bon nombre de « corps de métier » de « La Belle Epoque » car c’est bien le Cinéma français comme on l’aime , à la fois original, référencé et grand public nous épargnant le côté élitiste et au final confidentiel de certaines productions subventionnées . C’est enlevé, drôle, touchant, universel et donc réussi .
Novembre 2019 est finalement donc « une belle époque » !
PS Clin d’œil malicieux à une autre Fanny qui se reconnaîtra si elle lit ses lignes !