Pourquoi je n’ai pas aimé « Dunkerque » de Christopher Nolan ?
« Dunkerque » de Christopher Nolan avec Fionn Whitehead, Cillian Murphy, Mark Rylance… Sortie Cinéma le Mercredi 19 Juillet 2017
La twittosphère s’est excitée comme souvent sur un film , très attendu par certains, « Dunkerque » de Christopher Nolan . Les défenseurs du cinéaste anglais ont bombé le torse et ont crié au chef d’oeuvre et au grand film incontournable . Quelques « moutons » influençables ou/et sincères ont surenchérit .
Cela soulève la sacro-sainte problématique des amoureux du Cinéma : Est ce que le label « chef d’oeuvre » va être source systématiquement de plaisir , de ressenti et d’adhésion systématique ? Est que les critères techniques (tourné en 70 mm , projeté en salles IMAX...) si chers aux mordus de Sir Nolan sont prépondérants pour permettre d’être conquis ? Par expérience je réponds par la négative.
Soyons honnête , « Dunkerque » ne faisait pas partie de mes attentes .Le sujet de cette « bataille de Dunkerque » de 1940 , plus précisément ce rapatriement des anglais sur leur terre par voie maritime me confortait aussi dans ma circonspection et mon manque d’intérêt ! Le vrai sujet du film c’est la guerre en elle même . Et Nolan va nous la décrire sans fioritures et esthétisme superflu . Ce retour forcé des troupes anglaises de 30 000 hommes au minima en Angleterre, pour pérenniser la place du pays dans le conflit, face à la déroute actée en France va nous être montré.
Cette invitation immersive et sensorielle du réalisateur va être frontale, grise et impersonnelle .
Cette absence de personnification des soldats , perdus dans la masse mortifère des troupes , n’entraînent pas un sentiment d’adhésion ni d’empathie. elle accentue l’aspect superficiel des protagonistes « restés en surface » . Les rares personnages , acteurs (de ou dans cette bataille) sont « effleurés ». Le jeune soldat (Fionn Withehead) que l’on suit dès le début (belle scène d’ouverture) est quasi anonyme , on ne sait rien de lui . Les dialogues sont éparses, éparpillés comme les corps des militaires touchés par les éclats d’obus ou noyés dans l’ensemble de ses migrants « à découvert » mais peu identifiables . Christopher Nolan a écrit son scénario seul , du coup , pas de contre point de vue , ni de construction plus fouillée des « caracters » ! C’est un parti pris raccord avec l’ensemble du projet , un côté expérimental domine dans ce film au budget de près de 200 millions de dollars . Il n’a pas montré , non plus, de ville détruite côté français , cela aurait pu , vu le budget conséquent du long métrage. De plus Nolan semble en vouloir à Tom Hardy. Ici il campe un pilote de chasse et lors de 85% des ses apparitions dans les airs , il porte son masque d’aviateur, lui couvrant la bouche et le nez comme ce fut le cas , de manière plus extrême avec Bane dans « The Dark Knight Rises ». Ce personnage reste périphérique , comme tous les autres d’ailleurs , c’est le concept ! « Dunkerque est un appel à l’héroïsme collectif » dit Nolan.
Beaucoup ont loué le travail visuel et sonore de »l’expérience Dunkerque ». Le travail sur le son désiré « débarrassé de tous vernis » par Nolan est objectivement un atout (Le bruit des moteurs des avions lors de leur piqué avant crash, les impacts des balles dans la carlingue du bateau en train de couler et ceux des tireurs embusqués …) La musique est signée d’un acolyte de Nolan , Hans Zimmer. Et elle est syncopée , quasi organique et chargée effectivement de peur ,de sentiment morbide et anxiogène . Sur ce point aussi , c’est réussi , même si sur quelques accords elle peut énerver et crisper (c’est sûrement le but désiré ici aussi) . L’inconfort du spectateur est accentué par ses 2 aspects techniques maîtrisés de haut vol et donnant de la force au film.
Certains défenseurs du film ont qualifié d’immense « Dunkerque » et de « choc visuel » . C’est là aussi , pour ma part que le bat blesse ! Je n’ai pas trouvé le film si percutant visuellement. Les combats aériens sont effectivement vécus du point de vue du cockpit mais n’entraînent ps forcément un sentiment d’immersion si novateur ! Certains plans sont répétitifs .Les plans se succèdent ,le rythme est hâché. Les dialogues sont éparses. Nolan a voulu retranscrire la dureté et l’aspect froid, triste, rèche , sale de la guerre . Le directeur photo a respecté ces intentions avec cette lumière; mâte, terne, grisâtre, clinique, plombante et à la neutralité glaçante. La guerre fait resurgir les travers humains (la lâcheté, l’égoïsme lors de la scène du bateau immergé par l’eau) et d’autres plus nobles comme la solidarité et le courage (les navigations britanniques privées venant « charger » les anglais à Dunkerque).
Mais « Dunkerque » ne peut pas engendrer de sentiment médium par son côté exigeant voir intransigeant et radical . On aime ou on adhère pas ! C’est un paradoxe car ce n’est pas un film populaire ni grand public , on frôle l’expérimentation . Nolan utilise aussi les boucles temporaires fugaces dans la narration, alternant les scènes dans le temps. Il ne nous offre pas, pour autant, de scène d’anthologie comme a pu le faire Spielberg avec le débarquement « comme jamais tourné » et sa maestria visuelle de « Il faut sauver le soldat Ryan » . Et pour citer un autre cinéaste souvent évoqué , quand Kubrick fait « Les Sentiers de la gloire » (Sur 1 ère guerre mondiale) , il tire sa force du propos (film longtemps interdit en France) et de sa forme artistique . Dans les deux cas , ces deux films références ont fait date avec une « forme classique magnifiée voir sublimée mais abordable » et sont à mes yeux intemporels.
« Dunkerque » est une expérience à tenter. Mais si le sujet vous rebute et que vous êtes réfractaire à « l’expérimentation pour l’expérimentation », à la distorsion des codes vous risquez de venir grossir les rangs des « non conquis » ou des réfractaires ! L’accumulation des partis pris « inconfortables » et « brut » ont accéléré mon « aversion » (mot un peu fort) au projet et confirmé mon désintérêt pour le sujet .
PS A titre personnel j’ai trouvé les 5 dernières minutes flamboyantes avec une rupture de rythme , de couleur . La « patte » classique de Nolan semblait réapparaître mais le générique final interrompit ce sursaut d’adhésion furtif ! Une ré-appréciation du film , lors d’un revisonnage hors contexte et en VOSTF , semble aussi une option !