« Annihilation » (2018) d’Alex Garland avec Natalie Portman , Jennifer Jason Leigh , Oscar Isaac , Tessa Thompson , Gina Rodriguez, Tuva Novotny … Sortie en salles aux USA et sur NETFLIX depuis mars 2018 et encore disponible sur la plateforme en 2019. Disponible aussi en DVD/Blu Ray.
Un phénomène étrange se produit suite au crash d’une forme apparemment organique sur un phare. Un rideau scintillant et multicolore « baptisé » le miroitement prend une extension inquiétante et mystérieuse . Une équipe scientifique et médicale d’exploration se met sur pied . Elle est composée exclusivement de femmes , parmi lesquelles Lena (Natalie Portman) biologiste et ancienne militaire. Son engagement s’explique aussi par le fait que son mari militaire , Kane (Oscar Isaac) ait été lui même envoyé au même endroit avec un commando et ne soit revenu qu’un an après, seul et dans un état de santé altéré . Seule la responsable de la mission le dr Ventress (Jennifer Jason Leigh) connaît la raison principale de l’implication de Lena .
Il semblerait que dans la zone touchée par « The Shimmer » (le miroitement) la végétation et la faune animale soit modifiée …
Toutes les protagonistes de l’expédition ont connu « un coup de canif » dans leurs vies et ont un côté jusqu’auboutiste car abîmées par la vie : une est une ancienne suicidaire , une autre a un cancer avancé … Certains y ont vu un film sur la dépression. Ce qui est sûr c’est que le film est sensitif et cérébral. Tout d’abord ce qui imprègne la rétine du spectateur c’est l’univers visuel riche , original sans tomber dans les fonds verts et les effets spéciaux appuyés . La musique métallique & inquiétante de Geoff Barrow et Ben Salisbury accentue l’univers oppressant de cette exploration vers l’inconnu . Alex Garland utilise les flash backs et les flashforwards* avec parcimonie et justesse.
Alex Garland est connu comme le scénariste de Danny Boyle pour « La Plage » , « 28 jours plus tard » & « Sunshine » . Il a réalisé un premier film de SF maîtrisé , réussi et cérébral « Ex -Machina » avec déjà Oscar Isaac. Ici avec « Annihilation » il monte d’un cran au niveau mise en scène et budget alloué (40 millions de dollars). Le film enchaîne les scènes intimistes flirtant avec le métaphysique et la philosophie et celles plus spectaculaires d’horreur pure . La « vision » est ambitieuse , parfois simple et stylisée, fascinante et référencée .
L’immersion et l’impression de danger renvoient l’espace de quelques scènes à « Alien » de Ridley Scott avec une scène particulièrement réussie et gonflée ou à « Sans retour »/ « Sourthern Comfort » de Walter Hill pour le côté « commando-chassé » dans une forêt .
Mais lors du cheminement de l’héroïne et lors d’ une scène SF de « dédoublement » on pense aussi à « Under the skin » . Mais là où Walter Hill faisait dans la testostérone , où Scott magnifiait la SF d’horreur , où Jonathan Glazer faisait dans l’expérimental intriguant , Axel Garland impose une SF à la fois efficace , singulière , haletante , intelligente et « couillue » par ses parti-pris visuels et narratifs . Certains y ont vu aussi un renvoi au cinéma de Takorvski ou au travail de Kubrick.
Natalie Portman est sobre et juste dans son rôle de botaniste-exploratrice sachant manier un fusil mitrailleur et utilisant son intuition pour survivre et « conserver » sous une autre forme l’amour de son mari ! A l’heure où de nombreux films sont estampillés très rapidement « féministes » , comme par ex le poussif « Ocean’s eleven » , « Annihilation » fait la part belle aux femmes même si les personnages du commando et leur personnalité sont à peine effleurés.
Le film n’a pas reçu un accueil très favorable aux States avec seulement 32 millions de $ de recettes au Box Office . Et en plus David Ellison fondateur de Skydance voulait changer un peu la tonalité du film après des projections test jugeant le film trop compliqué et intellectuel. Mais Scott Rudin (« Faltiners »/ « Jennifer 8″/ « The Truman show » / »The Social network » / « No country for old men » / « Lady Bird »…) également producteur & Alex Garland ont réussi à garder le « final cut » et laisser en l’état « le produit fini » tel que l’avait pensé et réalisé le prodige anglais . Le film est librement adapté d’un roman à succès de Jeff VanderMeer . « Annihilation » n’a pas eu droit à une distribution via Paramount mais une diffusion exclusive sur Netflix pour la France et pour la majeure partie des pays hors USA & Chine .
Pour le coup Netflix permet au moins de mettre en lumière un talent évident et un Cinéma à contre courant des productions SF adaptées de comics « cash-money ». « Annihilation » aurait mérité un visionnage sur grand écran et devrait susciter chez les fans de SF au minima un sentiment de curiosité et un enthousiasme salvateur après son visionnage ! Du « singulier intelligent » fait toujours du bien . Alors tentez l’expérience !
*Dans une narration, un flashforward ou saut en avant, intervient lorsque le spectateur est informé d’un élément du récit qui est censé se dérouler dans un temps futur par rapport au temps principal du récit, figure que l’on peut opposer au flashback