Pourquoi « Witness » (1985) est devenu un « classic » et reste un des meilleurs rôles d’Harrison Ford ?
« Witness » est l’histoire simple d’un petit garçon , Samuel ( Lukas Haas) , témoin d’un meurtre dans les toilettes d’une gare de Pennsylvanie. Le policier John Book (Harrison Ford) est chargé de l’affaire. La singularité de l’enfant c’est qu’il est amish appartenant donc à cette communauté religieuse anabaptiste prônant la simplicité et loin des « avancées » technologiques de la société moderne. L’histoire se corse quand l’enfant identifie l’un des meurtriers comme étant un flic des stups, Mc Fee (Danny Glover) . Book prévient son supérieur qui s’avère impliqué dans l’affaire. Blessé, Book décide de raccompagner l’enfant et sa mère Rachel (Kelly Mc Gillis) chez eux où ils seront plus en sécurité . Ayant perdu beaucoup de sang il reste dans la communauté amish pour retrouver des forces.
« Witness » aurait pu s’appeler « un étranger parmi nous » . Peter Weir voulait faire un film à l’ancienne mélangeant une histoire policière et une love story progressive et contrariée . Si le film peut apparaître simple dans son postulat de départ , l’originalité tient à la description du mode de vie séculaire, coupé du monde , et de la culture des amishs ! Weir a une approche minimaliste et naturaliste (les grandes étendues d’herbes balayées par le vent) de son sujet . L’espace de quelques plans il fait référence à des peintures néerlandaises. Il nous montre les codes vestimentaires (chapeaux de paille / costumes sans boutons…), le travail de ces fermiers particuliers . Le personnage de Book , symbole du monde citadin susceptible de violence, va essayer de se fondre dans cette communauté où les calèches sont le mode de transport , où la prière avant le repas est une coutume, où le temps semble s’être arrêté. Weir et ses scénaristes (Earl W Wallace/William Kelley) ne tombent pas dans le piège de la caricature et c’est avec bienveillance que les amish sont décrits . De plus le réalisateur contre balance cette description par des scènes d’action vraiment efficaces donnant une double tonalité policière au film .
Peter Weir , en bon artisan, signe une mise en scène à la fois intimiste, simple, maîtrisée et efficace . (Le plan des gouttes de sang perlant sur le plastique de son manteau du pressing sous cellophane / la scène mémorable du silo de grain…). La musique de Maurice Jarre, vraiment reconnaissable, est aussi très réussie , avec une tonalité moderne (synthés) et une autre plus classique.
Harrison Ford a tourné deux « Indiana Jones » , « Star Wars » quand il accepte « Witness » . C’est son vrai premier grand rôle , exception faite de « Blade Runner » (1982) . c’est son premier « leading role » dans un registre quotidien . Il a 42 ans mais en fait 10 de moins . Mais ce qui fait le charme du personnage c’est qu’on sent qu’il n’est pas si éloigné de l’acteur. Book est joué avec détermination et une simplicité non dénuée d’humour. On retrouve l’espace de quelques scènes les rictus familiers de l’acteur. Dans son séjour chez les amish , Book va aider les autoctones et notamment il va faire valoir ses talents de menuisier ! Il faut savoir qu’avant de pouvoir vivre de son art , Harrison Ford a été … ébéniste ! Ce rôle lui vaudra sa première et son unique nomination à l’Oscar du Meilleur acteur !
« Witness » doit une partie de son charme aussi à la présence de Kelly Mc Gillis , à la beauté naturelle encore intacte , connue pour son rôle d’instructeur de charme de pilotes dans « Top Gun » qu’elle jouera un an plus tard en 1986 ! De plus le film est intemporel et n’est pas trop marqué « eighties » comme certains films de la même période . L’alchimie entre Rachel et John Book est jouée et écrite ,en grande partie, toute en subtilité, regards et silences expressifs. En bonus , l’espace de quelques plans on peut reconnaître Viggo Mortensen en « figurant amish » !
L’attelage Peter Weir* -Harrison Ford se reformera un an plus tard avec un sujet plus casse gueule et à contre emploi pour l’acteur . « Mosquito Coast » voit un inventeur père de famille s’installer dans la jungle du Honduras avec femme et enfants. Ford aborde un rôle au registre proche de ceux joués par Nicholson ! Le film se plantera et ne connaîtra pas le succès de « Witness » !
« Witness » est une oeuvre classique, simple , linéaire et reste une étape importante et un rôle marquant dans la carrière d’Harrison Ford qui ne retrouvera , malgré ses nombreux succès, vraiment jamais une osmose réelle et authentique avec un rôle !
*Peter Weir , réalisateur australien de talent, peu « célébré », a une filmo éclectique, exigeante et très intéressante : « Gallipoli » (1981) / « L’année de tous les dangers » (1982) / « Le cercle des poètes disparus » (1989) / « Green Card » (1990) / « The Truman Show » (1998) / « Master and Commander » 2003…