« Patients » de Grand Corps Malade (Fabien Marsaud) & Mehdi Idir avec Pablo Pauly, Soufiane Guerrab, Nailia Herzoune, Rabat Naït Oufella … Sortie Cinéma 1er Mars 2017
Ben , jeune basketteur d’une vingtaine d’année , débarque dans un centre de rééducation avec le statut peu enviable de « tétraplégique incomplet ». Choyé par ses parents , il va devoir se faire de nouveaux amis parmi les handicapés, les paraplégiques en fauteuil, les traumas crâniens et les tétraplégiques définitifs . Mais la plus grosse épreuve va être la lente remontée vers le monde des « marchants » grâce à sa volonté et à son entourage médical (kiné/aide-soignantes…) et amical.Il fait partie des « patients » du corps médical et ceux qui doivent aussi savoir composer avec le temps et ses contraintes, s’armer de patience et de pugnacité.
« Patients » raconte donc le parcours qu’a connu , le co-réalisateur et auteur du livre à la base , Fabien Marsaud , plus connu sous son pseudo artistique de slameur « Grand Corps malade » . L’adaptation d’un ouvrage (en l’occurrence un récit auto-biographique à consonance médicale) au Cinéma n’est pas forcément gage de qualité ou réussite . En 2001 Bruno De Stabenrath, fêtard membre de la jet set , devenu tétraplégique suite à un accident de voiture,avait écrit un bouquin sur cette nouvelle vie et notamment celle de l’hôpital. Le livre « Cavalcade » était drôle , enthousiasmant ,bourré de fulgurances tragi-comiques . Son adaptation Cinéma avait été ratée et largement en dessous du matériau d’origine. Qu’en est il de « Patients » qui aborde aussi la tétraplégie « subite » et la nouvelle appréhension de la vie post accident ?
Grand Corps malade a demandé à Mehdi Idir, réalisateur de plusieurs de ses clips de l’aider dans ce premier film collégial . « Toutes ressemblances avec des personnes ayant existé n’est en aucun cas le fruit du hasard »
« Il est à qui ce tétra ? » dit un infirmier voyant Ben sur un brancard comme de la viande traînant dans l’allée principale . Comment réagir face au fait d’être cloué à son lit ? Le handicap au quotidien va donc être décrit à travers les yeux et le chemin de vie de ce tétra hâbleur et sociable . « Je n’ai plus d’intimité… » L’invalidité et la dépendance vont progressivement et difficilement laisser place à l’autonomie hésitante et l’espoir . Un « espoir adapté » dira un des tétras et sera aussi le titre du générique de fin .
Cette chronique humaine ne manque pas de qualités , de sentiment d’empathie, de description minutieuse de cette vie presque carcérale, dans la tête et les membres (les fourchettes attachées à la main pour manger). La caméra devient un témoin de la Vie , du handicap et de sa gestion .On sent bien que la plupart des situations ont été vécues. Le ton oscille entre le léger (les vannes entre potes d’hosto), la distance et la dure réalité avec ses hauts et ses bas . Le tout est plutôt réussi même si l’ensemble très fluide manque d’un souffle continu et régulier.
Les rares moments où la musique apparaît, le film prend une autre dimension : Quand un des amis de Ben, Farid, joue « Fragile » à la guitare, quand « le prélude de Chopin n°4 en mi mineur » accompagne le match de basket final et le titre « espoir adapté » slamé en générique de fin .
Le film manque de ce côté punchy qu’aurait pu apporter le slam , comme une ponctuation musicale, utilisable avec parcimonie, dans la grammaire cinématographique classique. Quelques effets de caméra sont bien vus même si l’ensemble reste classique. « Patients » est un premier film sincère, évitant le pathos et l’apitoiement . C’est un coup de projecteur sur une minorité « visible », un témoignage personnel sur le handicap vécu au quotidien, l’importance des autres dans le processus de « remontée » (Complicité avec son kiné/présence des amis…) et la force mentale nécessaire pour refaire surface !
Nul doute que les fans de Grand corps malade, bénéficiant d’une vraie côte de sympathie auprès des jeunes , seront sensibles à « Patients » , « film miroir » d’une trajectoire et d’une philosophie de Vie.