« Pas son genre » (2014) de Lucas Belvaux avec Emilie Dequenne, Loïc Corbery…
Clément est un jeune professeur de philosophie posé enchaînant les relations féminines sans désir de construire un couple sur la durée , voir une famille. Parisien pur souche, issu d’un milieu bourgeois, habiter la capitale est pour lui l’apanage d’une vie intellectuelle intéressante faite de colloques, de carnet d’adresse. Professeur de lycée, il est muté pour une année à Arras !
Roi de la théorisation des rapports humains, enseignant la philosophie comme un art martial, une libération de la pensée, il se sent détenteur de la « bien pensance » tournée beaucoup vers son égo. (Il écrit ses livres en se regardant dans la glace !)
Mais l’ennui qui caractérise sa vie va se voir chambouler par la rencontre avec une coiffeuse pleine de vie, elle, pipelette adepte du karaoké, fan de Jennifer Anniston, des magazines people et au rouge à lèvres un peu criard.
« Y a des films à pop corn français et d’autres pas à pop corn » dit le personnage de Jennifer !
« Pas son genre » est entre les deux mais a une forte dimension populaire !
C’est l’histoire d’une rencontre entre une « adulescente-rieuse » enjouéee mais exigeante avec les pieds sur terre (elle a un enfant) en contraste avec celui du philosophe adepte de l’amour refoulé. Une fraicheur indéniable, à l’identique de son héroine,se dégage du film et le rend très accessible.
Car le film est centré sur cette histoire entre 2 personnes que tout oppose .Il est teinté de vraies moments de comédie ( les gars du Nord bourrés, la référence à un « Jour sans fin » quand l’héroïne fait lanterner son soupirant « ce serait comme un speed dating sans fin » , quand Emilie Dequenne chante à son amoureux les titres qu’ils pourraient chanter ensemble…).
Lucas Belvaux centre son film sur ces deux êtres « aimants » à leur façon.
Jennifer est loin d’être bête, elle aime lire plutôt les romans, connait les hommes (« Je tombe sur des hommes mariés, des dragueurs, des obsédés du cul, je le sais je suis balance, je suis une rêveuse … » !) Mais elle sait ce qu’elle veut ; elle est sûre de ses sentiments et met son cœur à nu.
A contrario le prof de philo bobo n’assume pas sa relation (« Tu te moques même de l’amour » dit elle), tout en devenant progressivement, sans s’en rendre compte dépendant de la bulle d’air que lui procure sa partenaire. Néanmoins il reste un autiste des sentiments et de l’engagement.
Il fallait trouver les bons acteurs pour incarner Jennifer et Clément
Le choix a été judicieux :
Emilie Dequenne est lumineuse en fille toute simple se définissant elle-même comme « intuitive », avec la tête sur les épaules, donnant du « châton » à tout va à son amoureux !
Elle incarne vraiment avec justesse cette amoureuse intransigeante au final, incapable de travestir son ressenti à fleur de peau face à l’absence chronique d’engagement de son partenaire (Jolies scènes lors du carnaval de Dunkerque et le karaoké avec« I will survive » lourd de sens et annonciateur)
Loic Corbery avec talent et retenue, campe un cérébral introverti incapable de s’investir dans une relation, mais qui au final va tomber peu à peu sous le charme de cette coiffeuse désinhibée, aux antipodes de son petit monde confortable normalement régulé et théorique. Son interprétation est sobre et juste retranscrivant tout l’aspect intériorisé de son personnage hésitant .
Lucas Belvaux, réalisateur belge éclectique (« Rapt » « 38 témoins ») signe un film oscillant entre la Comédie romantique contrariée et la radiographie à légère connotation sociale d’une relation amoureuse compliquée.
Vraiment intéressant et distrayant, marqué par une mise en scène subtile et fine,« Pas son genre » marque avant tout le retour au premier plan bourré de charme et d’énergie d’Emilie Dequenne et de ses beaux yeux bleus !