« Molly’s game » / « Le grand jeu » d’Aaron Sorkin avec Jessica Chastain , Michaël Cera, Idris Elba, Kevin Costner… Sortie Cinéma le 03 janvier 2018
« Molly’s game » est la première réalisation d’un scénariste de poids à Hollywood , Aaron Sorkin , auteur de « A few good men »/ »Des Hommes d’honneur » , « A la maison blanche » , « The Social networks » , « Steve Jobs »… Le point commun de tous ses scripts est la description intelligente et précise d’un aspect de la culture américaine . Ici il va dresser le parcours et le portrait d’une femme de 35 ans , self made woman, Molly Bloom , organisatrice au début des années 2000 de parties de poker clandestines aux mises de départ impressionnantes . Cette success story va bien sûr susciter les convoitises et les suspicions . L’histoire se terminera en procès après avoir subit les avances musclées de la mafia russe et une arrestation par le FBI en forme de soulagement ! C’est une histoire « bigger than life » comme l’Amérique peut en fournir, une sorte de contournement malin du système pour arriver à la réussite sociale et matérielle.
Mais « Mollys game » est avant tout un portrait d’une femme dans un monde d’hommes.
L’ascenseur social va devoir se forcer , Molly va devoir faire face , trouver des solutions , s’adapter, anticiper et gérer au mieux . Mais l’univers dans lequel elle va surnager est celui du jeu « dangereux » par excellence : le poker ! Le Cinéma s’est déjà penché sur le « game » (« Le kid de Cincinatti » (1965) par exemple) mais pas à ma connaissance à travers l’expérience d’organisatrice de parties de poker clandestines et de haut vol en termes de caves ( mises de départ) !
Molly est un ancienne sportive, skieuse de bosses , compétitrice , entourée par ses frères et élevée par son père psychologue (Kevin Costner) (« Je suis médecin de l’esprit ») dans l’esprit de compétition et de rébellion. Elle dira à son père , adolescente : » Le mariage c’est un guets-apens… Les gens y en a des bons et des mauvais…La société est une farce » .
Elle va vite comprendre que l’apparence a son importance en plus de l’intelligence et va être attirée par l’argent et le succès .Molly Bloom va donc se positionner en grand prêtresse des parties de poker fortement dotées, réservées à une élite financière . Elle sera la « gentille organisatrice » créant son réseau de « célébrités » et d’hommes influents . Elle va mettre en avant sa silhouette et son allure avec des décolletés vertigineux et pigeonnants sans utiliser ses charmes , ne confondant pas plaisir et business. La montée va être exponentielle mais le plaisir , lui , ne sera que matériel . Les parties vont s’enchaîner, les drogues pour assurer et rester éveillée vont apparaître et après 10 ans de « boutique » , la chute sera , elle aussi , colossale !
Jessica Chastain incarne Molly Bloom avec une belle présence à l’écran . Elle est belle, très maquillée, charmeuse, déterminée, têtue, maline . Aaron Sorkin a offert un rôle en or à l’actrice. Ses tenues vestimentaires sexy se succèdent avec frénésie.
Le point fort du film est l’écriture . Aaron Sorkin, « maître des mots », a encore fait merveille , en termes de phrases ou punch lines ciselées . « Je n’aime pas jouer au poker, j’aime détruire des vies » dira un des participants, acteur célèbre appelé « joueur X » dans « le système de rabattement » mis en place par Molly . « Ce qui me va dans l’idée de perdre c’est qu’on peut gagner »
« Le poker est un jeu de compétences pas de hasard »
Aaron Sorkin utilise la voix off : Molly dit : « je gérais 6 parties par semaines (avec une « cave »/ mise de départ de 250 000 $) , j’avais une addiction aux drogues. Tout était sombre et hostile autour de moi . J’en avais marre de cette cupidité . »
Avec un tel talent d’écriture et une interprète au top (Jessica Chastain) , « Molly’s game » pourrait être un grand film . Pour une première réalisation , c’est une réussite indéniable. Pourtant le film souffre par moments de longueurs et d’instants bavards (la scène sur le banc avec son père ne m’a pas convaincu). Les dialogues avec l’avocat , joué par Idris Elba sont un peu convenus , avec une impression de déjà vu .
L’ensemble est élégant et stylé .La chute de Molly est plus « prenante » et haletante que son ascension, très bien décrite .
« Molly’s game » / « Le grand jeu » est avant tout un vrai divertissement intelligent et réussi, bien au dessus de la moyenne, avec une actrice au sommet et une qualité d’écriture réjouissante.