« Moi Tonya » / « I Tonya » de Craig Gillespie avec Margot Robbie, Sebastian Stan , Allison Janney, McKenna Grace … Sortie Cinéma le 21 Février 2018
Le nom de Tonya Harding ne dira rien aux jeunes générations,une patineuse américaine mêlée à un scandale et une affaire d’agression envers une concurrente directe plus aimée et « gracieuse » dans les années 90 . Pourtant , en son temps cet épisode sur-médiatisé a fait les unes de magazines people au delà du sport et des TV news en opposant ,le vilain petit canard , Tonya Harding à la fiancée de l’Amérique , Nancy Kerrigan . Mais qui était vraiment Tonya Harding ? C’est ce que vont nous montrer, au delà de cet « épisode » Craig Gillespie et Margot Robbie actrice et productrice du film. Ce ne sera pas un portrait au vitriol et « à charge » mais plutôt un voyage dans le temps décrivant le parcours difficile de cette mal-aimée en demande de reconnaissance.
« I Tonya » commence comme une séance d’interview documentaire, format carré , Margot Robbie face caméra . Ce qui frappe tout de suite c’est l’aspect vestimentaire de mauvais goût, le côté plouc parfaitement assumé par la patineuse. « I’m a redneck » (une plouc). Dès l’enfance ses rapports avec sa mère (Allison Janney) sont viciés et nocifs « Ne parle pas à cette fille c’est une ennemie » dira t-elle à sa petite fille discutant avec « une concurrente ». Dès son plus jeune âge Tonya va connaître les brimades, les remontrances blessantes de sa mère violente, malveillante et aigrie. Cette dernière sera toute aussi odieuse avec le futur ex mari de sa fille, Jeff Gilloolie (Sebastian Stan), connu à l’adolescence. Cette rencontre toute aussi malheureuse s’avérera toxique pour l’intégrité physique de Tonya (Il la battait) et la suite de sa carrière. Son mari violent et désaxé restera dans son sillage et entraînera sa chute.
Certains ont rebaptisé « I Tonya » par « Les affranchis sur la glace » ! C’est vrai que le film fait penser à l’univers de Scorsese, par la forme et aussi par le fond .Dans « The goodfellas » le jeune héros Henry Hill dit « … J’ai toujours rêvé d’être gangster ». Celui de Tonya Harding était de briller au firmament des stars du patinage artistique !
Craig Gillespie multiplie les mouvements de caméra et utilise la grammaire classique cinématographique à sa disposition : ralentis, travellings, plans séquences, zooms … Le tout est servi par une musique hétéroclite mais enlevée, passant des « Quatre saisons » de Vivaldi à « Goodbye Lover » de Supertramp et d’autres standards pops. Le style visuellement choisi allié aux musiques donne une vraie « pêche » , un dynamisme proche de l’uppercut au film. Par certains aspects « I Tonya » renvoie aussi au Cinéma des frères Coen . Car c’est aussi son entourage de bras cassés (le garde du corps obèse, mythomane et pas très futé,Shawn incarné par Paul Walter Hauser ) qui va avoir l’idée de l’agression envers sa rivale . Le film m’a fait penser aussi par de rares instants à « Boogie Nights » de Paul Thomas Anderson, peut être par sa véracité dure sans filtres.
Margot Robbie fait peut être la meilleure prestation de sa carrière. Elle est épatante, à la fois touchante, drôle malgré elle et toujours juste en incarnant cette « paria ordinaire » du patinage en quête d’amour et de sacre ! Elle a été doublée pour la plupart des scènes de patinage mais s’est entraînée pendant plus de quatre mois. Son rôle a un côté « Rocky mal aimé » au féminin avec un passif social encore plus lourd. La scène où elle se maquille de trop avant les JO de 1994, alternant sourire forcé et yeux embués par l’enjeu, avec son aspect de clown triste dépité et presque résigné à son sort de « perdante », véhicule une vraie désespérance palpable et émouvante.
Allison Janney (vue dans la série « A la Maison Blanche »)au look peu flatteur , clope au bec, compose une « Cruella pauvre et aigrie » , fielleuse et mauvaise par essence , sans fibre maternelle,irrécupérable et sans affect. Elle truste toutes les récompenses (Golden Globes, Baftas …) et part favorite pour les Oscars, à contrario de Margot Robbie, une sorte de clin d’œil parallèle subliminal au parcours de Tonya Harding.
« I Tonya » est une vraie réussite , un portrait d’une certaine Amérique au niveau social, ses travers et ses valeurs glorifiées « Il nous faut une Famille américaine saine » dira un des juges apostrophé par Tonya suite à sa prestation techniquement irréprochable. Ce n’est pas un simple biopic rédempteur mais un vrai film de Cinéma, vraiment bon , enlevé ,teinté d’humour noir distillé par les circonstances et les protagonistes . Les partis pris formels sont réjouissants. L’incarnation par Margot Robbie est flatteur au niveau physique , malgré la volonté évidente de ne pas glamouriser le personnage .
Elle réhabilite forcément le parcours chaotique de cette sportive de haut niveau ( première américaine à faire le triple axel) gauche , sans éducation ni diplômes (« Skating is my fucking life » ) peu épargnée par la Vie et déchue de ses rêves de gloire . A découvrir !