Clint Eastwood : Une « nature » et une légende au parcours « progressif »!
« Je suis juste un type qui fait des films. » Clint Eastwood
« Mon mentor , le cinéaste Don Siegel disait volontiers que l’analyse conduit à la paralysie: je suis d’accord à cent pour cent . Par ailleurs , il s’efforçait de rendre le processus de réalisation très rationnel: rien n’était laissé au hasard , il planifiait ses tournages et ses prises , soigneusement, raisonnablement, efficacement,ce que j’ai toujours essayé de faire également. Gaspiller du temps et de l’argent ne sert à rien, pas plus que de provoquer de l’anxiété chez tout le monde alors que le but st simplement de réaliser le meilleur film possible. Rien ne vaut une ambiance détendue , bon enfant, libérée de toute angoisse . »
Cette déclaration de Clint Eastwood retranscrite dans le livre de Richard Schickel « CLINT » aux éditions Flammarion résume bien la philosophie de travail du réalisateur acteur américain !
Clint Eastwood était présent, lors du dernier festival de Cannes pour la présentation de « Impitoyable » en version restaurée. A cette occasion , il a donné une Master Class sous forme d’entretien avec un critique du « Los Angeles Time » Kenneth Duran , le dimanche 21 mai 2017 , salle Bunuel . Cette session a duré 1 heure , l’acteur américain a évoqué son parcours et a donné quelques impressions de tournage sur certains films marquants .
Cet article va donc s’appuyer sur cet événement , sur le livre de Richard Schinckel et sur l’appréhension personnelle , subjective et « Cinefeel » de cette légende du cinéma américain !
Clint Eastwood, né le 31 mai 1930 à San Francisco parle volontiers de ses débuts difficiles et de son enfance « post crise de 1929 « . Sa carrière d’acteur a réellement débuté avec la série « Rawhide » dans lequel il jouait un cow boy Rowdy Yates , un vacher pendant 7 ans de 1959 (date de sa 1ère diffusion) à 1965. « J’ai passé des tests en 1958 et j »ai pu vraiment jouer et avoir un agent » !
Il a donc 28 ans . »On m’a proposé un western en Italie et j’ai dit NON . Puis j’ai lu le script… » En 1965 il s’exile le temps d’un tournage en Italie pour y tourner « Pour une poignée de dollars » de Sergio Leone . Deux autres films suivront « Et pour quelques dollars de plus et « Le Bon la Brute et le Truand » . Ces 3 films furent de gros succès en Italie et en Europe mais pas aux Etats Unis.
Le premier succès Cinéma d’Eastwood aux US en tête d’affiche sera la premiere co-production de Malpaso , société de production de Clint, à savoir » Pendez les haut et court » de Ted Post (réal en poste sur « Rawhide » ) en 1968 .
1971 marquera les premiers pas de Clint Eastwood réalisateur avec « Un frisson dans la nuit » (« Play Misty for me » titre original) et un revers au box office US avec la sortie de « The Beguiled » (« Les Proies » ) de Don Siegel . Il retrouvera son réalisateur fétiche la même année avec le personnage de « Dirty Harry » qui va faire sa gloire et le propulser, non sans fracas, dans le panthéon des figures d’Hollywood. Par ses méthodes expéditives et l’utilisation de 357 magnum , Harry Callahan va s’attirer les foudres de certaines critiques Cinéma . Pauline Kael le qualifiera de « Chef d’oeuvre fasciste » ! Clint Eastwood a toujours affirmé ne pas craindre la controverse .
« Dirty Harry » avec son célèbre « Make my day », « alternative » issue d’un dialogue avec un malfrat dans le film, influença bon nombre de cinéastes américains (Shane Black , Joe Carnahan…) amoureux du genre policier . « Harry Calahan est la version négative de l’esprit fondamentalement amical et familial de Clint…En un sens , Harry représente tout type dont la vie se limite strictement à son dérisoire boulot… » Callahan reviendra 4 autres fois à l’écran : Magnum Force (1973) sur un scénario co écrit par Michael Cimino avec qui il tournera « Le Canardeur » la même année. » L’inspecteur ne renonce jamais » (The Enforcer) 1976 / « Le retour de l’Inspecteur Harry » ( Sudden Impact- 1983) , « La dernière cible » (The last pool -1988).
» Une récente autobiographie autorisée qualifiait Clint, dans son titre, de « rebelle américain » ce qui est un parfait non sens. A l’instar de nombre de grandes carrières cinématographiques (Alfred Hitchcock/ Howard Hawks) celle de Clint repose sur des relations pacifiques et durables avec son studio; Il est même arrivé que Clint propose à ses patrons de produire une nouvel « Inspecteur Harry » pour compenser les pertes générées par le programme de jeux Atari qui menaçaient la survie de la Warner . » Richard Schickel
Eastwood confirma ses galons de star des seventies avec « Doux Dur et Dingue » (1978) initialement prévu pour Burt Reynolds , « L’évadé d’Alcatraz » de Don Siegel (1979) produit par la Paramount . Il signa , en tant que réalisateur, aussi un brillant western sorte de synthèse de son oeuvre passée et à venir « Josey Wales Hors la Loi » (1976) ! Il joua à nouveau aux côtés de sa compagne de l’époque Sondra Locke dans des polars efficaces comme « La Sanction » (1975) et « Lépreuve de force » (1977) .
Les années 80 ne furent pas inoubliables avec des rôle dramatiques intimistes personnels,(« Bronco Billy » « Honkytonk man » « Pink Cadillac »)) échecs rudes au Box Ofice et et des suites convenues de ces succès précédents ( 2 suites dispensables à l’inspecteur Harry, « Ca va cogner » ) Néanmoins Eastwood réalisateur et grand amateur de jazz confirme son talent avec« Bird » présenté à Cannes en 1988 avec le Prix d’interprétation masculine à Forest Whitaker en Charlie « Bird Parker saxophoniste de jazz de légende . « Le seul cas , ajoute Clint, où j’éprouve du ressentiment, c’est lorsqu’un être détruit son talent » Les années 90 commencent par un ratage « La Relève » (1990) un polar à la fois musclé , paresseux et sans âme . 1992 sera l’année du triomphe avec le western crépusculaire sombre violent « Impitoyable » (Unforgiven ) projet de longue date* récompensé par 4 oscars dont celui du meilleur réalisateur pour Eastwood ! * « Mais il savait qu’il possédait un projet en réserve ? Ou , selon, ses propres termes, « une jolie petite montre en or dans ma poche. Je la sortais parfois , la regardais, la frottais un peu « . Il s’agissait , bien sûr, d’Impitoyable. L’histoire est aujourd’hui connue: nous savons comment le scénario, sur lequel Francis Ford Coppola détenait alors une option, avait été soumis à Clint pour qu’il puisse juger du travail de David Webb Peoples , comment Clint a acquis ce scénario une fois l’option de Coppola parvenue à échéance, comment il a décidé de le mettre de côté durant plusieurs années , parce qu’il fallait être un peu plus âgé pour jouer William Munny, ce héros tourmenté, mais peut être aussi , à mon avis parce qu’il savait que ce film serait un succès et qu’il le gardait comme un atout dans sa manche. Certains de ses proches savaient qu’il en détenait les droits et se demandaient parfois impatiemment quand Clint s’y mettrait. Et il s’y est mis en 1991, non sans quelques contretemps . » Clint Eastwood acteur de 63 ans enchaîne avec l’excellent « Dans la ligne de mire » (In the line of Fire 1993) de Wolfgang Petersen où il incarne avec jubilation un garde du corps vieillissant du président des Etats Unis devant faire face à un tueur fou caméléon et malin (John Malkovitch). C’est un gros succès mérité au Box Office . Auréolé de ce succès commercial il enchaîne les réalisations avec « Une Monde Parfait » avec Kevin Costner (1993) , « Sur la Route de Madison » (1995) « Les Pleins Pouvoirs » (1996) « Jugé Coupable » (1999) avec Eastwood acteur au générique . Il réalisera aussi sans apparaître devant la caméra « Minuit dans le jardin du bien et du mal » (1997). « Sur la Route de Madison » , dont les droits avaient été acquis par Spielberg, est un film phare dans la carrière d’ Eastwood du fait de son succès mondial . Mais le film permet de dévoiler Eastwood dans un rôle à contre courant de ceux qui ont fait sa gloire, un photographe amoureux ! « Lorsque je tournais Sur la route de Madison , je me disais: « Ce truc romantique est vraiment étouffant. je meurs d’impatience de recommencer à tirer et à tuer » » J’ai appelé Merryl Streep et elle m’a dit « Je n’aime pas le livre » … C’était bien avec Merryl … (Grand sourire de Clint lors de la Master Class) On prête une liaison aux deux comédiens sur le tournage ! « Autant que le scénario rééquilibré de Richard La Gravenese , c’est , je crois, le naturalisme auxquels parviennent Streep et Eastwood dans leur jeu – un mélange de d’aisance et de passion- qui sauve le film de la source littéraire (« Une histoire d’amour pauvre conçue et écrite de façon simpliste). Et Streep en vient à se dire que le film ne porte pas tant sur l’assouvissement tardif des besoins , sexuels ou autres, de ceux qui ont atteint une méritoire cinquantaine, que me confiera t-elle, sur le « regret. et les occasions manquées. et sur la façon dont les choses viennent à vous au mauvais moment » Je pense qu’elle a raison et ces ce qui explique que la première vraie histoire d’amour filmée par Clint ait marché mieux qu’on ne l’avait prédit . » Richard Schickel Clint Eastwood , qui reconnait que la France a reconnu bien avant les Etats Unis son talent de réalisateur , continue avec boulimie son parcours de cinéaste : « Space Cowboys » (2000) « Créance sang » ( 2002) « Mystic River » (2003) »Million Dollar Baby » (2004) « Mémoires de Nos Pères » (2006) « Lettres d’Iwo Jima » (2007) « L’échange » (2008). « Mystic River » est pour moi un chef d’oeuvre , un film puissant et maîtrisé . Il fut sélectionné au sélection au Festival de Cannes et repartit bredouille . « Je suis venu à Cannes 10 fois et toujours perdant ! « Sean Penn et Tim Robbins furent récompensés aux Oscars . « Dès l’instant où il a lu « Mystic River » , Clint a adoré le roman de Denis Lehane pour d’évidentes raisons . Trois familles perturbées , dont les vies malheureuses sont exposées à la vue de tous , sont entraînées dans des événements en grand partie marqués par le destin. Le décor urbain ,en outre, est d’un style que Clint n’a pas exploré jusque -là…. » R Schickel « Le thème de la destruction de l’innocence m’a toujours interpellé. C’est le crime le plus odieux qui soit, un crime capital si jamais il en existe un . Tout ce qui a trait aux crimes contre les enfants résonne très fortement en moi. Donc, c’est ce qui m’a attiré dans cette histoire-le fiat qu’on parvienne à l’âge adulte et que la vie continue. J’aimas tout simplement l’histoire et j’ai pensé que je devais la tourner » C Eastwood « Si le matériau est intéressant , ce ne sera pas difficile… » « Pour Mystic River , j’ai lu le livre et j’ai beaucoup aimé travaillé avec Sean Penn et Tim Robbins. Et parfois je ne faisais qu’une seule prise à leur grand désespoir ! …J’ai appris de Don Siegel . Il disait « sentons ce qui arrive ! » C’est très bon pour les acteurs de les voir choqués. (Quand je dis que la prise est bonne) Mystic River semblait écrit pour moi ! » Clint Eastwood Master Class Mai 2017 « Gran Torino » marque aussi une étape importante dans la carrière de Clint Eastwood avec un rôle sur mesure en vétéran de la guerre de Corée , bougon et raciste se révélant être au final plus humain et fraternel que prévu.C’est un beau film réussi tant au niveau de l’interprétation que de la réalisation. « A maints égards , nous avons affaire à un film typiquement eastwoodien et d’ancienne facture -projet et décor modestes , tournage facle et rapide, succès commercial reposant sur la présence de l’acteur-vedette. Le film a ceci de remarquable qu’il ne témoigne d’aucune sentimentalité à l’égard de Walt Kowalski. L’homme se révèle être aussi dur que n’importe quel héros estwoodien-simplement plus âgé. A l’égal de ses prédécesseurs , il prend les bonnes décisions instinctivement, sans être nécessairement capable de l’expliquer. » R Schickel « Le fait que Walt soit une sorte de fou qui insulte chacun selon sa race me plaisiait: c’est un personnage que je pensais bien connaître . En devenant adulte , j’ai rencontré beaucoup de types comme ça . » C Eastwood C’est à 2012 que remonte le dernier rôle de Clint Eastwood en tant qu’acteur à l’écran . « Trouble with the curve » (« Une Nouvelle Chance » où il compose un vieux recruteur de baseball qui doit faire équipe avec sa fille avocate Amy Adams) ne fera pas date . Le film, paresseux dans sa réalisation (Robert Lorenz producteur à la base et ami d’Eastwood), reprend le créneau du personnage en bout de course ronchon sans réussir à apporter une nouvelle lecture malgré le charme d’Amy Adams. Le réalisateur Eastwood sera prolixe : « Invictus » (2009) « Au delà » (2010) « J Edgar » (2011) Jersey Boys (2014) . Avec « American Sniper » en 2014 il renoue avec le succès public (énorme aux USA) et vaudra une nomination à Bradley Cooper sur ce sniper revenu d’Irak inspiré d’un vrai personnage réel . Certains ont trouvé le film pro-américain et frisant la propagande pour l’amour du drapeau US . Au delà de la polémique le film a des qualités formelles indéniables pour un réalisateur de 84 ans ! En 2016 Clint Eastwood a réalisé avec « Sully » une oeuvre épurée et forte sur un fait divers et un « héros ordinaire » magnifiquement campé par Tom Hanks. Clint Eastwood est un des rares acteurs revendiquant son appartenance républicaine.Cela lui valut, seul à côté une chaise, un de ces plus gros fours lors d’une prestation ratée lors de la convention républicaine en 2012 axée contre Obama. Le « dinosaure » a du flair mais peut aussi se tromper comme il l’a fait en réalisant « Le 15H17 pour Paris » (2018) ! Pensant que le sujet « bigger than life » tiré d’une histoire vraie se suffirait à soi-même et il a opté pour « engager » les vrais protagonistes , les jeunes américains qui ont déjoué un acte terroriste dans un train en direction de Paris . La « sacralisation » de l’esprit de courage et l’image de jeunes américains symbolisant la bravoure des USA ne permettront pas de faire un grand film , bien au contraire. Mais en « bon cow-boy » , Eastwood va remonter sur son cheval après ce « gadin » artistique et commercial . Il va rebondir en enfilant le costume d’Earl Stone , ce papy horticulteur de plus de 80 ans , vétéran et père démissionnaire qui va se trouver « engagé » par le cartel pour transporter des kilos de drogue d’un point A à un point B . Avec « La Mule » (2019) Eastwood réalisateur donne un rôle crépusculaire à l’acteur Clint , toute en démarche chancelante mais au comportement de franc-tireur ! Une vraie réussite . (Avis Cinefeel disponible sur le site ) En 2019 -2020 Eastwood a continué de creuser son sillon et son regard porté sur l’Amérique , ses travers et ses valeurs patriotiques . Avec « Le cas Richard Jewell » (2020) Clint s’interroge sur un cas d’école , issu d’un fait réel et brosse le portrait d’un anti-héros , obèse , un peu besogneux , érigé comme un héros , puis montré du doigt par la presse et « harcelé » par le FBI ! Si la réalisation est toujours classique Eastwood n’a rien perdu de sa capacité à raconter une histoire emporte l’adhésion complète du spectateur dans le derniers tiers du film (Avis dispo catégorie Brèves) . Clint Eastwood reste un des derniers géants d’Hollywood , un acteur emblématique et un réalisateur incontournable reconnu pour son style académique diront certains, mais aussi épuré, fort, efficace et sobre diront les autres ; une légende !