« Chez Nous » de Lucas Belvaux avec Emilie Dequenne , André Dussolier, Guillaume Gouix, Catherine Jacob,Anne Marivin … Sortie Cinéma 22 Février 2017
Pauline est infirmière à domicile à Enard , entre Lille et Lens , ancienne ville minière aux façades de briques . Elle a 2 enfants à charge, un père ancien syndicaliste CGT malade du fait de l’amiante .
C’est une célibattante en zone sociale difficile reconnue pour sa gentillesse, son empathie et son implication bienveillante envers les gens du cru . Elle est en contact permanent avec la souffrance et la solitude .
Sa vie va prendre un tour différent quand elle retrouve un amour de jeunesse. Stanko a un passé trouble, entraîneur de foot de son fils ,ancien militaire et « œuvrant » au sein de milices extrémistes. Lorsqu’un médecin de son entourage la sollicite pour rentrer en politique, elle ne sait pas encore que ses 2 nouveaux départs vont s’entremêler et interagir sur sa vie de femme et de citoyenne .
« Tu votes ? » Lui demande le Dr Berthier , « ça sert à rien ! » dit Pauline . Ces deux événements vont avoir un point commun, le bloc identitaire , le mouvement dont a fait partie son amoureux, ce qu’elle ne sait pas et celui qui lui propose d’être tête de liste aux municipales .
Le Cinéma de Lucas Belvaux est toujours marqué par une dimension sociale quelque soit le genre abordé . Dans « Rapt », au delà de la déliquescence de sa famille, de sa vie, de l’épreuve physique et morale , c’est un « chronique de classe » touchant un patron joueur et infidèle. Dans « Pas son genre » c’est un amour entre 2 représentants de classes sociales opposées, une coiffeuse et un prof de philo à Arras.
Avec « Chez Nous » Lucas Belvaux s’attache à décortiquer le processus d’engagement de gens de la société civile dans la vie politique et plus précisément au sein d’un parti d’extrême droite rebaptisé « patriote » . C’est souvent fréquent chez le Front National . Bien sûr le bloc patriotique, le Rassemblement National Populaire , Le SERP (Service d’ordre et de sécurité) font sciemment référence au rassemblement bleu marine et au front national . Le cinéaste se pose en héritier d’Yves Boisset , cinéaste français des années 70/80 friand des sujets polémiques à dimension souvent politique . Il dresse un portrait de femme méritante et montre le rejet de l’infirmière par certains (son père, certains de ses patients musulmans, une de ses amies …) suite à son choix . D’autres vont se réjouir de cette nouvelle adhésion (une autre amie mère d’un ado tenant un blog islamophobe…)
Avec son scénariste Jérôme Leroy , Belvaux essaye aussi de faire un photomaton d’une tendance et de ses conséquences au niveau sociétal .
Les acteurs sont très bons . Emilie Dequenne est toujours d’un naturel confondant en « instrument » sincère et humain . Heureusement que Lucas Belvaux lui donne de beaux rôles .Dussolier compose un notable militant , manipulateur , inquisiteur passant de la bienveillante chaude à l’intransigeance froide. Guillaume Gouix est convaincant en salaud xénophobe, sincère, violent et maladroit.
Le propos peut paraître simple pour certains et simpliste pour d’autres . « Chez Nous » n’est pas un docu-fiction mais une vision « romancée » de la montée du populisme et des extrêmes « dé-diabolisés » , notamment sur les territoires dévastés socialement. Lucas Belvaux réussit sur un sujet « sensible » à proposer une chronique sociale humaine à travers l’histoire de Pauline . L’ aspect politique n’est pas forcément là pour éveiller les consciences mais demeure intéressant par son traitement romanesque teinté de réalisme.