« The Post » / « Pentagone Papers » de Steven Spielberg

« The Post » / « Pentagone Papers » de Steven Spielberg avec Meryl Streep , Tom Hanks, Bruce Greenwood, Sarah Paulson, Matthew Rhys , Tracy Letts… Sortie Cinéma le 24 Janvier 2018 Vu en AVP le Vendredi 19/01/2018

La guerre du Vietnam a été un traumatisme dans l’Histoire des Etats Unis . Et les réalisateurs américains ont eu cette qualité « critique » de dénoncer cet épisode sanglant & dévastateur  à travers leurs films. Cimino (« The Deer hunter ») Coppola (« Apocalypse Now ») Stone (« Platoon ») Kubrick (« Full metal Jacket ») De Palma (« Outrages ») Ashby (« Coming Home ») et même Kotcheff (« First Blood ») ont tous abordés sous différents angles ce pan douloureux de l’Amérique .

« The Post » débute par une scène de terrain en 1966 où l’on voit des Gi’s défourailler et s’enliser dans ce bourbier qu’était le Vietnam ! Un observateur officiel de Washington, Daniel Ellsberg (Matthew Rhys), voit l’étendue de l’enlisement . Il s’en confie au secrétaire d’état à la défense Mc Namara , le conflit s’embourbe , malgré l’envoi croissant d’hommes et de matériel ! Devant les caméras le politique « sert » un discours optimiste et rassurant quand à l’issue de cette guerre et à la force prédominante des Etats Unis ! La « crise de conscience » d’ Ellsberg va se muter en une volonté concrète de lutter contre la désinformation. Il va « déclassifier » un rapport Top secret et se poser en lanceur d’alerte : et si les présidents successifs des USA avait sciemment pérenniser une politique d’ingérence et de « gâchis assumé » au Vietnam ? Et si les politiques, en l’occurence , pas moins de quatre mandatures (Truman/Kennedy/Johnson/Nixon) mentaient ou « blousaient » le peuple américain sur la réalité de la situation ?

La problématique de départ est posée au niveau global . Mais l’intérêt de l’Histoire avec un grand « H » c’est de la croiser avec celle plus intime et humaine des journalistes et des décideurs qui vont sortir ce scandale au nom de la liberté de la presse. Et là où Spielberg et ses scénaristes sont « grands » c’est qu’il font aussi un portrait de femme et décortiquent aussi le process sinueux, laborieux et délicat de publication d’un journal !

Katharine Graham (Meryl Streep) , patronne du Washington Post, est une pionnière à la tête du journal . C’est une représentante de la bourgeoisie « nationale » introduite dans les milieux politiques. Elle sera entourée dans son parcours par des conseillers. Elle devra composer, échanger et faire équipe de manière parfois rude  avec son rédacteur en chef opiniâtre et investigateur, Ben Bradlee (Tom Hanks) .

Meryl Streep est impériale en femme de pouvoir, malgré elle , tour à tour sensible, fébrile, forte, maternelle, courageuse dans un environnement souvent phallocrate. L’actrice « distille » une composition tout en finesse avec ce personnage complexe et attachant , emplie de doutes, de contradictions et d’autorité salvatrice. Tom Hanks campe aussi avec talent ce journaliste , « objecteur de conscience » , jusqu’au-boutiste mais lucide quand aux risques encourus !

Les années 70 ,décennie marquée par le complot et la paranoïa au Cinéma, sont retranscrites avec minutie . La salle de rédaction du Post renvoient forcément visuellement par bribe aux « Hommes du président » (1976) d’Alan J Pakula avec les lampes rectangulaires des plafonds et l’alignement des journalistes ou à « Zodiak » (2007) de Fincher.

Janusz Kaminski (Directeur photo « attitré » de Spielberg depuis « La liste de Schindler » ) a fait un travail à la fois subtile et visible de reconstitution de l’ambiance seventies ! La scène de combat au début est à mi-chemin, en termes d’image, de qualité de grain , de couleurs ocre et kakis ,  entre l’image d’archive et le reportage de guerre. « The Post » baigne aussi dans une ambiance chaude et grise-bleutée.

Steven Spielberg arrive à traiter un sujet sérieux et important avec pas mal de sous thèmes encore actuels (la collusion possible des journalistes avec le pouvoir, la difficulté pour les femmes de s’imposer dans le monde de l’entreprise …). Surtout le réalisateur retrouve sa « patte » reconnaissable avec des plans audacieux, un ensemble néanmoins classique et efficace . Il n’a pas perdu son sens de l’entertainment et nous propose une seconde partie « haletante » et sans temps morts ! A noter que l’un des deux co-scénaristes est celui de « Spotlight » Josh Singer. Un des rares bémols est peut être la musique « diluée » et discrète de John Williams.

Les punch lines * fusent aussi (voir plus loin) , l’humour n’est pas absent et le rythme est soutenu .« The Post » / « Pentagone Papers » est le premier grand film de ce début d’année  2018, très bien écrit , interprété et réalisé , il est à la fois intelligent, subtile et distrayant , une vraie réussite ! 

Exemples de PUNCH LINES* / SPOILERS :

« Y a que moi qui en ai marre de lire de l’info plutôt que de la publier »  Ben Bradlee / Tom Hanks sur les premières parutions des dossiers « secret défense » dans les colonnes du New York Times

« C’est difficile de dire non au président des Etats Unis !  »

« Je n’ai jamais été le laquais de JFK » ! »

« Le seul moyen de faire valoir le droit de publier c’est publier »

« Une femme qui porte la culotte , c’est comme un chien qui marche sur ses pattes arrières ! C’est incongru .  » Katharine Graham / Meryl Streep