« Grave « de Julia Ducournau avec Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella … Sortie Cinéma le 15 Mars 2017
« Grave » a acquis une flatteuse réputation sur la la twittosphère cinéphile. La première présentation dans un festival fut celle de Cannes à la Semaine de la Critique en mai 2016. Le film rebaptisé ‘Raw’ pour les anglophones (traduisible par « Brut » ou… »Cru » ! ) reçut un écho élogieux et choqué au festival International de Toronto TIFF. C’est donc avec un sentiment suspicieux devant tant de louanges que je partais à la découverte de « Grave » !
Le premier adjectif qui me soit venu à la fin de la projection c’est … foisonnant ! Le film foisonne d’angles de vue , d’interprétations, de références, de créativité, d’ambiances, en un mot plus synthétique de… Cinéma !
Justine ( Garance Marillier) est une élève de 16 ans très douée . Elle intègre l’école vétérinaire où sa sœur est déjà en 2 ème année. Elle est végétarienne. Lors de sa période d’intégration ,
elle est forcée par ses ainés-bizuteurs à manger des reins de lapin . Une réaction cutanée s’en suit mais une sensation de faim irrépressible va la tenailler et lui faire découvrir sa vraie nature .
Le premier plan fixe du film intrigue . Une route parsemée d’arbres certains feuillus d’autres dégarnis , une personne à pied déboule du bas coté , une voiture veut l’éviter et s’encastre dans l’arbre . On comprendra plus tard , les motivations de la manœuvre. Mais cela symbolise aussi le changement violent de trajectoire de l’héroïne.
« Grave » montre l’évolution , malgré elle de Justine , son passage à l’age adulte , la métamorphose douloureuse vers un état nouveau de dépendance, de lutte et de souffrance parfois non assumée.
Garance Marillier, au visage d’ange incarne à merveille cette ado torturée pouvant passer de la jeune fille modèle à l’état bestiaire inquiétant en manque aux yeux révulsés par la faim. Une actrice à suivre !
Julia Ducournau revendique ses influences . Elle apprécie le Cinéma de Cronenberg . Une certaine filiation est évidente à travers des thèmes comme la métamorphose, le rapport à la chair, l’aspect clinique de la peau… L’espace d’un plan , un clin d’œil à Lynch est fait avec le personnage inquiétant et singulier, au physique disgracieux et au rire dérangeant, dans la salle d’attente de l’hôpital.
Julia Ducournau est « une cinéaste née ». Son style est précis, son esthétisme stylé, naturaliste et épuré . Ses partis pris sont dérangeants et rudes ( La scène de la révélation et du doigt). Le ton est neuf , intelligent, intrigant, déstabilisateur, désinhibé .
Le désordre (cérébral , psychique, comportemental, amoureux…) s’installe.(La scène suggestive du rouge à lèvre devant la glace comme un scellement du passage à l’age adulte, un symbole sexuel et sanglant). La musique est utilisée avec parcimonie et justesse .
Le Cinéma de Ducornau est fin mais a aussi un côté masculin proche de Zulawski, par de rares moments, dans sa rudesse .
Au delà du genre (Teen movie/horreur/gore/cannibale) « Grave » est le portrait d’une jeune fille insouciante se dirigeant progressivement vers une nouvelle vie de femme différente. (La scène de la baignoire avec sa sœur qu’elle lave où le sang change de couleur et devient noir , comme l’abyme )
En tout cas ça secoue, ça dénote, ça peut déranger mais c’est vraiment original et ça ravira les cinéphiles en attente d’un Cinéma français inventif, à contre courant et foncièrement novateur ! Ames trop conservatrices et sensibles s’abstenir .
PS M Night Shymalan , réalisateur du flippant « Split » et du cultissime « Sixième sens » a lui même apprécié, sur Twitter, le côté glaçant du film :
Enième « renvoi perçu » , si le cinéma de Ducournau est référencé surtout avec le cinéma anglo-saxon (Cronenberg, Lynch et même Refn) , un clin d’œil subliminal « visuel » peut être trouvé avec Godard et « Pierrot le Fou » (Visage de Belmondo bleu) lorsque l’héroïne est aspergée malgré elle de peinture bleue !